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Exclusif : AFNOR nous en dit plus sur une norme pour l’absence de produits dopants dans les aliments pour sportifs.

Le groupe AFNOR a mis en place un projet de norme pour l'absence de substances dopantes dans les aliments destinés aux sportifs.

Le groupe AFNOR a mis en place un projet de norme pour l’absence de substances dopantes dans les aliments destinés aux sportifs. Il faut dire que la question du dopage est d’actualité dans nombre de sports, et que les industriels fabriquant des compléments ou des produits alimentaires pour les sportifs ne savent pas toujours quelles substances sont interdites. Pour en savoir plus sur cette norme, agro-media.fr a interviewé en exclusivité la chef de projet en charge de cette norme, Mme Bernadette Ruetsch.

 

Pourriez-vous brièvement nous présenter le groupe AFNOR et votre rôle au sein de celui-ci ?

« AFNOR est un groupe de services autour de quatre grands domaines : la normalisation, la certification, la compétence et l’édition spécialisée. La normalisation  est une activité d’intérêt général réalisée dans le cadre d’une association, à la différence des autres filiales du groupe. L’association est sous tutelle du ministère de l’Industrie. En ce qui me concerne, je suis chef de projet normalisation, ce qui signifie que je suis en charge de l’animation et de la gestion de commissions de normalisation. Chaque commission définit un programme de normes dans un domaine d’activité spécifié. L’objectif est de publier ces normes afin qu’elles répondent aux besoins des parties intéressées.  En ce qui me concerne, elles portent essentiellement sur le secteur agroalimentaire. »

Pourquoi une norme sur l’absence de substances dopantes dans les aliments destinés aux sportifs ?

« A l’origine d’une norme, nous avons toujours une demande d’une personne ou d’un organisme qui nous contacte pour établir un document de référence pour répondre à une stratégie. Dans le cadre des aliments pour sportifs, la demande est venue du Ministère des Sports, qui avait travaillé sur la prévention du dopage dans le cadre de ses missions régaliennes. Depuis  3 à 4 ans, le ministère travaillait sur les compléments alimentaires utilisés par les sportifs. L’objectif au départ était d’accompagner l’utilisation des compléments alimentaires par les sportifs et de vérifier si la consommation de ces produits pouvait induire la prise de produits dopants. Un groupe de travail  réunissant d’autres ministères (Répression des fraudes, Santé, Alimentation) et les fabricants de compléments alimentaires avait été mis en place. Une des conclusions de ce groupe a été de proposer l’élaboration d’une norme sur les bonnes pratiques de fabrication de ces compléments alimentaires. Le ministère a donc contacté l’AFNOR pour réaliser ce document. Un groupe de travail pour préparer la trame du pré-projet de norme a été mis en place par AFNOR début 2011. Il a réuni les personnes déjà impliquées dans le groupe du Ministère des Sports, comme la Direction Générale de la Santé, l’ANSES, la DGCCRF, l’Agence Française de lutte contre le Dopage complété avec des laboratoires d’analyses. »

Cette norme sera-t-elle uniquement française ?

« Pour l’instant le projet de norme est purement national, on espère le porter par la suite au niveau européen. Un des points critiques est qu’au niveau français, la législation  nationale distingue encore  la notion de compléments alimentaires destinés aux sportifs qui est une population reconnue comme ayant des besoins spécifiques. Au niveau européen, les discussions en cours en matière de réglementation évoluent clairement vers l’abandon  de cette spécificité. L’objectif de la France est de rester en pointe sur la prévention du dopage et donc bien de porter cette norme ultérieurement au niveau européen. »

Quelles sont les applications prévues pour cette norme ?

« Au départ, le projet ne devait porter que sur les compléments alimentaires.  L’objectif  était d’accompagner les fabricants français de compléments alimentaires pour garantir que les compléments mis sur le marché, s’ils sont consommés par des sportifs, n’induiront pas de résultats positifs lors d’un contrôle antidopage. En discutant, nous nous sommes aperçus qu’il ne fallait pas limiter la norme aux compléments alimentaires, donc nous l’avons élargie aux autres denrées destinées aux sportifs. Nous ne l’avons pas non plus limitée aux seuls sportifs professionnels et licenciés, c’est-à-dire que toute personne faisant du sport ou susceptible de participer à une compétition sportive peut consommer ces types de produits et donc, est concernée par la norme. Nous sommes bien dans le cadre de la prévention du dopage ; ce dernier provoque des risques pour la santé des sportifs donc tout est mis en place progressivement pour empêcher la consommation de ces substances. »

Quelles sont les substances incriminées ?

« Une liste des substances interdites est publiée chaque année  par l’Agence mondiale contre le dopage et est reprise tous les ans dans la réglementation française. Le pré-requis demandé aux industriels qui fabriquent ce type de denrées alimentaires est de connaître cette liste, de se la procurer et ensuite de regarder dans celle-ci quels sont les produits sont susceptibles de rentrer dans la composition de leurs produits alimentaires. En effet, certaines substances citées ne peuvent pas être utilisées pour la fabrication de denrées, ou bien une fois ingérées n’auront pas de réaction dopante. Par exemple, certaines ne peuvent être administrées que par piqûre ou par médication. Il faut rester réaliste ; nous ne pouvons pas demander à un industriel agroalimentaire de vérifier toutes les substances interdites listées. Dans un premier temps, l’industriel ciblera donc les substances qui concernent ses produits. Ensuite, il  lui sera demandé  lors de la conception de son produit ou de sa fabrication, de vérifier que les ingrédients qu’il utilise ne contiennent pas ces substances interdites. Il va donc mettre en place des bonnes pratiques qui seront assez proches de ce qui est déjà demandé pour éviter la présence d’allergènes (maîtrise des ingrédients, des fournisseurs, propreté des locaux…). Il devra aussi avoir une échantillothèque dans laquelle il conservera les échantillons de ses produits finis. Enfin,  un étiquetage adapté pourra être apposé sur les produits. »

La norme sera-t-elle régulièrement actualisée ?

« La norme ne contient pas la liste des substances interdites, car celle-ci change chaque année. C’est l’un des débats que nous avons eus, et nous avons choisi d’anticiper ce problème. Dans le dernier article du projet de norme intitulé « Informations à destination des utilisateurs », il est dit que le fabricant va pouvoir apposer une mention spécifique sur son produit, sous son entière responsabilité. Une démarche de certification est envisagée et sera probablement proposée par les syndicats professionnels. Pour l’instant, nous sommes dans l’auto-déclaration sous la responsabilité du fabricant. Sur le produit, il pourra indiquer : « le produit est conforme à la date de libération du lot, à la norme AFNOR NF XX ». Il est bien évident qu’il est possible qu’un industriel conçoive et fabrique un produit qui va sortir de son entreprise à un instant T, la durée de conservation de ce produit étant de 2 ans par exemple, le produit peut ne pas être distribué de suite. Si le distributeur le met en vente en fin de cette période de conservation et que depuis l’un des ingrédients utilisés pour la fabrication, est devenu interdit, le produit ne sera plus conforme à la législation en vigueur. C’est pourquoi il est bien précisé : « à la date de libération du lot ». Voilà en ce qui concerne la responsabilité du fabricant, après il y a la responsabilité du distributeur mais le projet de norme n’avait pas pour objectif d’aller jusqu’au stade de la distribution. Il y a encore du travail à ce sujet mais on se heurte de fait à la distribution sur internet et là  c’est beaucoup plus complexe. »

Avez-vous un premier retour sur l’enquête publique en cours ?

« Les premiers retours que j’ai, sont assez positifs. L’enquête publique se termine le 1er mars. Nous n’avons pas reçu à ce jour de commentaires s’opposant au projet. Nous avons travaillé en deux temps :

  • une première fois pour  rédiger la première trame du projet de norme en se limitant aux parties intéressées professionnellement  dont les deux syndicats Synadiet et SDCA (qui sont parties prenantes depuis le début),
  • puis nous avons proposé et discuté au niveau de la commission de normalisation qui a un tour de table plus large en associant notamment les fédérations professionnelles ainsi que le comité olympique français.

C’est un projet destiné aux industriels mais dont les répercussions seront très importantes en termes de pédagogie auprès des fédérations professionnelles et des utilisateurs. »

Quelles sont les étapes à venir dans l’établissement de cette norme ? Quand pourrait-elle entrer en vigueur ?

« L’enquête publique se termine le 1er mars. Nous avons une réunion de dépouillement au cours de laquelle nous étudierons tous les réponses et commentaires reçus  le 27 mars. Ensuite, il faut compter 2 mois à 2 mois et demi, s’il n’y a pas d’opposition majeure avant la publication. Notre objectif est de publier la norme avant le lancement des JO de 2012, c’est-à-dire avant juillet. Personnellement, j’espère pouvoir la publier d’ici le mois de juin. Après cette date, les industriels pourront mettre la norme en application. Ils s’y préparent déjà, mais il leur reste à modifier leurs étiquetages. Nous avons prévu également des actions de communication  au moment de la publication. »

Le groupe AFNOR étudie-t-il actuellement d’autres projets de normes dans le secteur alimentaire ?

« Oui, il y en a beaucoup ! Il y a par exemple tous les travaux de normalisation sur les méthodes d’analyse (en microbiologie ou sur des contaminants physico -chimique) ou les travaux autour de la norme ISO 22 000 sur le système de management de la sécurité des aliments qui est très importante pour les entreprises. On peut aussi citer les activités dans les domaines de l’analyse sensorielle, de l’alimentarité des matériaux, des produits céréaliers
 En ce qui me concerne, je travaille aussi sur la pêche. Dans ce domaine, nous venons par exemple de publier une norme sur la traçabilité des produits de la pêche, s’appuyant sur des codifications harmonisées pour l’identification des produits. Nous avons aussi en projet un sujet sur les écolabels durables dans la pêche, toujours suite à une proposition des pouvoirs publics et des fédérations professionnelles. »

 

Agro-media.fr remercie Mme Bernadette Ruetsch pour avoir accepté de répondre à nos questions.

Pour en savoir plus sur le projet de norme et participer à l’enquête publique, il suffit de cliquer ici.

Propos recueillis par Vanessa Dufus.

ParLa rédaction
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