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La folie du « Made in France ».

Le « Made in France » fait couler beaucoup d’encre en ce moment. Pour les consommateurs, il est souvent perçu comme un gage de qualité et permet de se donner bonne conscience, en soutenant l’économie locale.

Le « Made in France » fait couler beaucoup d’encre en ce moment. Pour les consommateurs, il est souvent perçu comme un gage de qualité et permet de se donner bonne conscience, en soutenant l’économie locale. Pour les entreprises, il leur permet de se distinguer de leurs concurrents en jouant la carte du local et de justifier des prix généralement un peu plus élevés que la moyenne. Malheureusement, le « Made in France » est aussi un bel argument marketing que certains fabricants peu scrupuleux n’hésitent pas à employer à tort et à travers.

Comment les consommateurs perçoivent-ils le « Made in France » ? Comment faire le tri parmi les appellations que l’on peut trouver sur les produits alimentaires ? Le « Made in France » est-il une stratégie gagnante pour une entreprise ?

Agro-media.fr vous dit tout sur la folie du « Made in France ».


Un concept en vogue.

En début d’année, le cabinet d’études Xerfi a publié une étude sur le « Made in France », dans laquelle il le qualifiait comme « le nouvel eldorado de la filière alimentaire ». Cette enquête révélait que les principales motivations des consommateurs lorsqu’ils achètent des produits fabriqués dans l’hexagone sont la traçabilité et le maintien de l’emploi en région. L’an dernier, le marché des produits misant sur leur régionalisme a crû de 0,4% en volume. Autrement dit, ce marché est prometteur. De plus, dans le contexte actuel de crise économique, les français ont besoin de se rassurer en achetant des produits fabriqués près de chez eux. Enfin, le « Made in France » est revenu sur le tapis en raison de l’élection présidentielle qui se rapproche, et est actuellement très débattu en politique. Le concept est donc en vogue et tend à s’accentuer à l’avenir.

 

Le « Made in France » vu par les consommateurs.

L’Ifop, en partenariat avec le Comité des Entrepreneurs pour un Développement Responsable de l’Economie (CEDRE), a publié fin novembre les résultats d’une étude croisant la vision du « Made in France » de consommateurs et de chefs d’entreprise. 1 004 consommateurs et 301 dirigeants d’entreprises ont ainsi été interrogés sur leurs pratiques d’achat et/ou leur perception de la consommation. Du côté des consommateurs,  les français ont déclaré que leurs principaux critères de choix lors de l’achat d’un produit étaient le prix et la qualité. Ceux qui privilégient le pays de fabrication représentent 15% des consommateurs sondés. Niveau opinion politique, on remarquera que les sympathisants de droite privilégient davantage le pays de fabrication que les autres (21% d’entre eux le privilégient), alors que les sympathisants de gauche ou EELV privilégient davantage l’impact du produit sur l’environnement (respectivement 12% et 23% d’entre eux, contre 7% pour l’ensemble des consommateurs). Près d’un français sur deux tient compte souvent ou systématiquement du pays de fabrication. Pour le grand public, le fait qu’un produit soit fabriqué en France implique majoritairement :

  • que par son achat on soutient l’industrie française et l’emploi en France (94% des sondés),
  • une meilleure garantie sur la qualité du produit (92%),
  • l’assurance que le produit ait été fabriqué selon des normes sociales respectueuses des salariés (87%)
  • et que l’on favorise le respect de l’environnement, notamment en optimisant l’utilisation des transports (84%).

Alors que le « Made in France » tend à s’appliquer à toutes sortes de produits, il est ressorti de l’étude que l’origine française importait davantage aux consommateurs pour les produits alimentaires (90% des sondés) que pour les autres types de produits.

Finalement, les français considèrent les produits français comme de meilleure qualité que les autres mais plus chers. Les consommateurs se déclarent prêts à payer plus cher pour des produits « Made in France » à hauteur de 72%, mais seulement si l’écart de prix ne dépasse pas 5% pour 40% d’entre eux, 5 à 10% pour 26% d’entre eux et 10 à 20% pour 5% d’entre eux. Autrement dit, le « Made in France », oui, mais pas à n’importe quel prix !


Ceci conforte une précédente étude menée par le Crédoc et dont les résultats ont été publiés en juin. 64% des Français déclaraient être prêts à payer plus cher pour des produits industriels fabriqués en France, alors qu’ils n’étaient que 55% en 2004. Toutes les catégories sociales étaient concernées même si les plus de 60 ans, les cadres, les professions intellectuelles supérieures, les diplômés du supérieur et les hauts revenus étaient davantage touchés par le phénomène. 51% d’entre eux disaient privilégier les produits d’origine française lors de leurs achats. Seuls les moins de 25 ans ne suivaient pas cette tendance.


Un « Made in France » ou des « Made in France » ?

Si les consommateurs plébiscitent le « Made in France », ils ont bien du mal à s’y retrouver dans toutes les dénominations patriotiques figurant sur nos emballages… « Made in France », « Origine France », « 100% made in France », « fabriqué en France »… sont autant de dénominations sans véritable fondement. En effet, aucun cahier des charges ne les définit et de fait n’importe quel fabricant peut à sa guise les apposer sur ses emballages. Aucune de ces appellations n’est véritablement contrôlée.

Face à ce constat, le député radical Yves Jégo a présenté le 19 mai 2011 à l’Assemblée nationale le nouveau label distinguant les produits d’origine française des autres, « Origine France Garantie ». Le cahier des charges contient deux axes principaux :

  • le produit devra prendre ses caractéristiques essentielles (lieu d’assemblage, de fabrication,…) en France
  • et au moins 50% de sa valeur ajoutée devra correspondre à des activités de production dans l’hexagone.

Le but affiché par le député est « d’aider les produits français à mieux se faire repérer par les consommateurs, accroître la traçabilité, et aussi favoriser le maintien des savoir-faire en France, voire les relocalisations ». Des entreprises, dont Kronenbourg, Coca Cola et Senoble, et des fédérations professionnelles se sont rapprochées pour créer l’association Pro France en juin 2010, afin de plancher sur la mise en œuvre du label. La marque collective « Origine France garantie » est certifiée par le Bureau Veritas Certification, leader mondial de la certification. Une quinzaine d’entreprises bénéficient actuellement de ce label, qui ne concerne pas que les produits alimentaires.

Ainsi, le label « Origine France Garantie » est le seul qui soit véritablement certifié officiellement. Il répond aux attentes des français, qui déclaraient à l’Ifop à hauteur de 92% souhaiter la mise en place d’un label plus strict que le classique « Made in France ».

Néanmoins, certains labels de commerce équitable tels que la gamme « Nord-Nord » d’Alter Eco permettent de s’assurer d’acheter des produits écologiques et équitables issus de productions françaises. Les appellations d’origine comme les AOP ou les IGP permettent aussi aux consommateurs de s’assurer de l’origine des produits qu’ils achètent et par là même de leur côté « Made in France ».

Enfin, le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, a lancé l’idée d’étiqueter les produits fabriqués en France en indiquant le pourcentage de composants français : « je prône un étiquetage précis. Peu de biens produits sur notre sol comportent 100% de composants français. […] Je souhaite que l’information pour le client soit claire et complète en indiquant par l’étiquetage le pourcentage lié à chaque pays de production. Si la proportion « Fabriqué en France » atteint au moins 55%, la mention en toutes lettres pourra être apposée en haut de l’étiquette ». Reste à savoir si l’idée fera son chemin…

 

Produire en France, un atout pour les industriels ?

D’après l’enquête de l’Ifop citée précédemment, les professionnels perçoivent le « Made in France » avant tout comme un moyen de s’assurer de produire des aliments de qualité (pour 45% des sondés) mais également comme un acte citoyen et lié à la responsabilité sociétale de l’entreprise (44%). Ils privilégient généralement le Made in France pour le choix de leurs sous-traitants (37%).

Pour l’instant, les principaux bénéficiaires de l’essor du « Made in France » sont les agriculteurs et les coopératives agricoles qui transforment de plus en plus. Ceci s’explique notamment par le fait qu’il est bien plus facile de s’assurer de la traçabilité d’une pomme que de celle d’un plat cuisiné comprenant une dizaine d’ingrédients.

Néanmoins, les enseignes de distribution proposent également des produits d’origine locale, que ce soit par le biais de leurs marques de distributeurs (à l’instar du célèbre « Nos régions ont du talent » de Leclerc ou encore des « Reflets de France » de Carrefour) ou en s’approvisionnant directement auprès des producteurs ou transformateurs locaux. En effet, il n’y a aucun doute à avoir sur le fait que le « Made in France » fait vendre.

 

Finalement, consommateurs et industriels sont unanimes sur l’importance du maintien des activités de fabrication et de production dans l’hexagone. De plus, les tendances de locavorisme (fait de consommer des denrées produites localement) et de régionalisme font la part belle au « Made in France ». Dans le contexte actuel de crise, les produits français deviennent des valeurs-refuges pour les consommateurs. Parmi les sondés de l’enquête Ifop citée précédemment, plus de 6 personnes sur 10 souhaiteraient un meilleur soutien de l’Etat aux entreprises pour localiser et relocaliser leur production en France. Les débats politiques actuels portent à croire que l’Etat devrait prochainement intervenir davantage pour soutenir les productions françaises. Attention néanmoins à ne pas tomber dans le protectionnisme ! V.D.

ParLa rédaction
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