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RFID : vraie avancée ou gadget pour l’industrie agroalimentaire ?

Avancée technologique désormais à destination des industriels de l'agroalimentaire, la RFID pose encore quelques questions. A qui est-elle destinée ? Comment l'utiliser ? Est-elle fiable ? Retour sur la puce du 21ème siècle.

RFID : vraie avancée ou gadget pour l’industrie agroalimentaire ?
© CNRFID

Les puces à radiofréquence font gagner beaucoup de temps et facilitent la gestion des stocks dans certains cas. Mais son usage reste limité et il convient de bien analyser ses besoins avant de se lancer.

La RFID, c’est quoi ?

La RFID (Identification RadioFréquence) utilise les ondes radio pour transmettre et enregistrer des données à distance grâce à des code-barres électroniques (aussi appelés transpondeurs ou « tags »). Ces « radio-étiquettes » se composent d’une puce électronique, qui contient les informations (date, numéro de lot, lieu d’emballage ou de production…), et d’une mini-antenne qui envoie des données vers un lecteur.

Une étiquette RFID présente de nombreux avantages par rapport à un code-barre optique :

  • Elle permet de stocker un grand nombre d’informations qui peuvent en outre être modifiées en lecture/réécriture
  • Elle ne nécessite pas une visée précise et sa portée peut aller jusqu’à plusieurs mètres
  • Elle peut être lue dans l’obscurité, et à travers la plupart des matières (carton, plastique, verre…)
  • Il est possible de lire un grand nombre d’étiquettes simultanément. Une palette complète de cartons ou produits peut ainsi être « taguée » automatiquement en passant sous un portique.
  • Elle peut s’intégrer sur de multiples supports : étiquette papier adhésive classique, encapsulage dans des supports divers (bois, métal, plastique…)
  • Elle résiste à des environnements (projection de liquide, hautes températures…)
  • Elle est réutilisable

On distingue plusieurs types de RFID. Les étiquettes RFID passives, les plus répandues, ne sont pas alimentées en énergie et doivent obligatoirement être lues par un lecteur à proximité. Peu onéreuses, elles sont donc limitées à de faibles éloignements. Avec la RFID active, une micro-batterie est incorporée à l’étiquette, qui permet d’envoyer des informations à intervalle régulier. Elles sont utilisées pour des containers voyageant sur des grandes distances ou la surveillance de marchandises de valeur. Il existe des systèmes intermédiaires, avec des étiquettes « semi-actives » intégrant une batterie, mais uniquement utilisée pour améliorer la qualité de la transmission (c’est encore le lecteur qui fournit l’énergie de la communication).

La RFID utilise différentes fréquences selon les usages. Chaque solution présente ses propres avantages et inconvénients qu’il convient de connaître pour adapter son choix en fonction de ses besoins.

  • Les tags basse fréquence (LF, 125 kHz), souples et légers, peuvent être intégrées dans pratiquement n’importe quel type de matériau (métal, textile, plastique, etc)
  • Les tags haute fréquence (HF, 13.56 MHz) peuvent être imprimés ou gravés. Ils sont largement répandus dans les systèmes de carte sans contact (pass Navigo par exemple) ou les smartphones. Cette fréquence RFID est aussi appelée NFC dans les applications grand public.
  • L’ultra haute fréquence (UHF) présente une grande portée (jusqu’à plusieurs mètres) et une vitesse de lecture ultra-rapide, mais elle est sensible aux conditions extérieures et cause des interférences avec les objets métalliques. Elle est notamment utilisée dans le transport longue distances.

    Le marché de la RFID décolle enfin

« Depuis une dizaine d’années, on nous a promis monts et merveilles concernant la RFID, alors que la technologie n’était pas du tout au point », raille Jean-Christophe Lecosse, Directeur Général du CNRFID, le Centre National de Référence RFID créé en 2008 par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique et qui a pour vocation de faciliter l’adoption et l’appropriation des technologies sans contact. Aujourd’hui, le marché semble enfin prendre son essor. Il devrait passer de 10,1 milliards de dollars en 2015 à 18,68 milliards en 2026, selon IDTechEx. D’une part, les prix ont beaucoup chuté. « Une étiquette RFID adhésive passive coute autour de 6 ou 7 centimes pièce, dix fois moins qu’il y a dix ans », atteste Jean-Christophe Lecosse. Les performances ont suivi à peu près la même courbe : « Il est maintenant possible de lire jusqu’à 300 puces à la fois », ajoute-t-il.

Le marché mondial de la RFID devrait du coup passer de 10,1 milliards de dollars en 2015 à 18,68 milliards en 2026, selon IDTechEx. Le secteur de la distribution est le plus porteur, mais chaque industriel peut tirer des bénéfices de cette technologie.

La RFID, pourquoi faire ? Avantages et cas clients

Dans la filière agroalimentaire, la RFID peut remplir plusieurs fonctions :

  • Identification et contrôle des matières premières, création de lot de fabrication
  • Suivi et contrôle des opérations de transformation (découpe, cuisson, etc.)
  • Automatisation de la gestion des stocks

La principale utilisation reste aujourd’hui le suivi logistique. Finies les palettes égarées chez un client, ou envoyées par erreur à l’autre bout de la France. Le temps de gestion est considérablement réduit, ainsi que le cout de main d’oeuvre et le nombre d’erreurs inhérentes aux manipulations humaines. « On peut réduire par trois le taux de rotation d’un bac plastique réutilisable », assure Bernard Pagnon, d’Inotec, un fournisseur d’étiquettes RFID.

Un fabricant de compotes pourra par exemple taguer toutes ses poches de purées des fruits, ainsi que le sucre ou les colorants. « Pour peu que le processus de production reste identique, chaque passage de l’ingrédient sera identifié dès qu’il passe dans une zone spécifique », illustre Jean-Christophe Lecosse. On pourra du coup voir en temps réel la quantité utilisée et celle qui reste.

L’une des plus grandes entreprises de transformation de la viande au monde, qui traite jusqu’à 90 000 animaux par semaine, a ainsi équipé son usine de transformation avec 30 000 capteurs RFID, intégrés directement dans le métal des crochets des convoyeurs, sur les packs où sont chargées les découpes ou encore dans les boîtes de transport métalliques. « A chaque point de traitement, les données relatives aux produits (poids, taille, épaisseur de la couche de graisse et fournisseur) sont collectées et documentées », assure Pepperl+Fuchs, qui a fourni la solution. Y sont ajoutés les  résultats des examens vétérinaires pour obtenir un jeu de données complet spécifique à chaque animal. « Le système ne nécessite quasi aucune maintenance », assure le fabricant.

Grâce à ce suivi précis, on évite beaucoup de gaspillage à travers une meilleure gestion des matières premières. Primordial alors que le taux de perte peut atteindre 10% pour certaines industries de l’agroalimentaire. L’équivalent de 14,8 milliards d’euros est perdu chaque année dans la distribution de viande fraîche pour cause de date limite dépassée, d’après le fabricant Checkpoint Systems. Enfin, la localisation de chaque produit ou palette prévient le vol, autre problème souvent caché ou ignoré.

De nouveaux dispositifs adaptés à la chaine du froid

Depuis quelques années s’est développé une nouvelle utilisation de la RFID, qui concerne particulièrement les industries agroalimentaires : la vérification du respect de la chaine du froid et des conditions de stockage. Couplée à des capteurs de température, l’étiquette RFID permet ainsi de tracer le parcours du lieu de production jusqu’au point de distribution. « Cette technologie est très légère et ne nécessite aucun lecteur », assure Jean-Christophe Lecosse. Votre fournisseur vous envoie des crevettes surgelées depuis la Thaïlande ? Dès la réception, il vous suffit de taguer le bac avec votre smartphone (si celui-ci dispose du NFC) pour vérifier que la chaine du froid n’a pas été rompue durant le trajet, et le cas échéant refuser la marchandise sans même ouvrir le bac. Beaucoup plus fiable que les mesures de température effectuées de façon aléatoire sur des échantillons.

Selon le même modèle, il sera bientôt possible d’évaluer la fraicheur des aliments. En Finlande, le Centre de recherche technique VTT a développé un capteur RFID qui détecte l’éthanol dans les emballages alimentaires. La présence de l’éthanol étant l’un des premiers signes de détérioration des aliments, il permet ainsi de contrôler leur fraîcheur et de détecter les produits avariés. La solution cible notamment les fruits et légumes frais coupés, très sensibles.

@CNRFID
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La RFID, c’est pour moi ? Des usages qui restent très limités

Malgré ses multiples avantages, la RFID n’est pas forcément la solution la plus adaptée à l’agroalimentaire. « Dès que l’on a beaucoup de références, de fournisseurs et de matières différentes, ça devient compliqué à gérer« , atteste Jean-Christophe Lecosse. Impossible par exemple de taguer du sucre ou des flocons en vrac. « De même, si vous avez des bouteilles de formes et de tailles très disparates, le taguage devient un véritable casse-tête« . Les ondes radio sont ainsi très mal propagées à travers les liquides, et on peut obtenir des taux d’erreurs importants. Enfin, l’étiquetage RFID ne sera jamais une arme anti-contrefaçon ou anti fraude, dès lors qu’un manipulation humaine est nécessaire. « Si vous prenez les cas de Findus, où les lots de viandes avaient été frauduleusement étiquetés comme de la viande de cheval, aucune technologie ne peut lutter contre ça ».

Citons encore quelques éléments à prendre en compte avant de s’équiper :

  • La fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Lorsque la portée de l’antenne est trop grande, on risque par exemple de « taguer » par erreur des palettes à côté. Des vibrations excessives, des températures ou des taux d’humidité élevés peuvent empêcher la bonne transmission du signal, notamment sur des étiquettes d’entrée de gamme.
  • La faible autonomie de la batterie, notamment pour les étiquettes actives
  • Il n’y a pas d’harmonisation des fréquences au niveau mondial, notamment concernant l’UHF. Si vous travaillez avec des fournisseurs américains ou chinois, votre lecteur risque d’être inopérant.
  • Le manque d’expertise technique et de collaboration. C’est très bien d’avoir un joli tableau de bord, encore faut-il savoir quoi en faire et pouvoir en tirer des actions concrètes à mettre en oeuvre. Si un mauvais parcours des produits conduit systématiquement à des mélanges accidentels, il faut sans doute modifier ce parcours plutôt que de résoudre individuellement chaque erreur identifiée par la puce RFID. Cela nécessite un partage des informations par tous les acteurs de la chaîne logistique.
  • La sécurisation des données. En théorie, n’importe qui dans un entrepôt peut avoir accès aux informations stockées sur les étiquettes.
  • La recyclabilité. De plus en plus d’étiquettes RFID sont directement intégrées à l’emballage, ce qui pose des problèmes pour récupérer les circuits électroniques lors du recyclage.

Malgré tout, des avancées techniques sont à attendre dans les prochaines années, détaille un rapport du Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques (Pipame). Les nanotechnologies permettront par exemple l’impression de puces à partir de « nanoencres », évitant ainsi la fabrication d’étiquettes. Deuxièmement, les performances de lecture ont encore des marges d’amélioration considérables. Enfin, la convergence de la RFID avec d’autres moyens de mesures qualitatives et quantitatives (Bluetooth Low Energy, GPS, iBeacon…) permettra une meilleure exploitation des informations.

ParLa rédaction
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