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Viandes et volailles : à quand le retour de la compétitivité ?

La filière viande est en perte de vitesse depuis plusieurs années. Elle peine à être compétitive face à ses concurrents. Tour d'horizon des principales difficultés et des solutions envisagées.

Viandes et volailles : à quand le retour de la compétitivité ?
Dans l’Union européenne, la production ovine est en repli depuis plusieurs années.

« Les promotions permanentes perturbent le marché et détruisent de la valeur, dans un moment de grande fragilité des filières viandes. » Voilà ce qu’a déclaré le gouvernement il y a une quinzaine de jours, en annonçant que les promotions sur la viande porcine seraient désormais limitées à deux périodes de l’année, en septembre et au début du mois de janvier dans les grandes surfaces. Le ministère de l’agriculture en a profité pour rajouter qu’il allait veiller à ce que le logo « viande porcine française » ne soit plus utilisé de manière frauduleuse. Et qu’une plate-forme devrait être prochainement mise en place afin que chaque entreprise puisse avoir accès aux offres commerciales à l’exportation et ainsi favoriser le développement de partenariats avec les pays importateurs de viandes françaises.

Des marges en repli sur le secteur viande

Ces annonces arrivent comme des réponses -sans garantie de résultat- face aux difficultés et tensions croissantes sur la filière viande. Il y a deux semaines, plus d’une quinzaine d’abattoirs ont été bloqués par des éleveurs bovins. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, de cette colère montante. L’une des raisons de ces manifestations : il manquerait aujourd’hui 20 centimes par kilo de viande aux éleveurs de viande porcine, afin de faire face au déficit d’exploitation au jour le jour, selon le président de la Fédération nationale porcine. « Depuis un an, les prix payés au producteur ont baissé de 20 % alors que la France n’est pas en surproduction, puisque nous importons de la viande », explique Dominique Barrau, dans la Croix. Selon lui, le prix moyen au kilo aurait chuté de 3,5 à 2,70 euros. Et selon l’Observatoire des prix et des marges 2014, les prix de la viande à la production ont baissé de 6 à 8 % alors que les prix au détail ont augmenté de 1 %. A ces tensions croissantes avec la grande distribution, qui tente de tirer les prix vers le bas, intervient la réduction de la consommation de viande. Cette dernière s’est accentuée depuis la crise de 2008, et la baisse du pouvoir d’achat des Français. Résultat, depuis 1998 (année pic), la consommation française a chuté de 94,1 à 86 kilogrammes en équivalent carcasse (kgec) par habitant, selon une étude de France AgriMer.

Une production de viande qui repart à la hausse

Pourtant, à partir du second semestre 2014, la production de viandes et produits à base de viande tendait plutôt à la hausse, après deux années de repli. Si la production de viande de volaille s’est réduite l’an passé, celle de viande ovine s’est stabilisée, après de nombreuses années de baisse, les viandes porcines ont stagné, et se sont les viandes bovines qui ont tiré la filière vers les haut. Mais pour réellement saisir les difficultés du secteur et les solutions envisageables pour apporter de nouveau de la compétitivité à ses acteurs, il faut observer les filières une à une.

Dans le détail, pour ce qui est de la viande bovine, au-delà du ressaut de la fin de 2014 en France, la production a plutôt tendance à se stabiliser depuis 2010, au niveau mondial. Et pour les années à venir, la progression ne devrait être que modérée. La France possède tout de même le premier cheptel bovin de l’Union européenne, ce qui pourrait, en théorie, lui donner un avantage sur ces concurrents. Pourtant, avec un taux d’auto-approvisionnement de 93 %, le pays est déficitaire en viande bovine finie depuis plusieurs années. Pour remédier à cela, il faudrait tout d’abord une offre qui soit plus adaptée à la demande, mais aussi développer les exportations, et renforcer les système de production, sur le plan économique et environnemental. La restructuration et la modernisation des abattoirs semblent également un étape indispensable. Ce processus a été enclenché en 2014, avec le lancement, notamment, du plan abattoirs. Par ailleurs, les efforts de transparence sur les prix et les marges doivent être maintenus.

Une filière ovine à la peine

La filière ovine est en difficulté dans toute l’Union européenne depuis plusieurs années. En cause : fièvre catarrhale ovine, obligation d’identification électronique des animaux ou encore intérêts économiques amenant les éleveurs à se tourner vers d’autres productions. En France pourtant, après une longue période de régression, les revenus des éleveurs se sont légèrement améliorés et l’organisation économique de la filière a été renforcée, avec un rééquilibrage des aides de la PAC et un plan d’accompagnement des pouvoirs publics, suite au bilan de santé de la PAC en 2010. Les acteurs de la filière se sont également engagés dans un programme de reconquête ovine visant à accroître le niveau technique de la production et à améliorer l’image et la connaissance de l’élevage ovin. Malgré ses efforts et améliorations, des difficultés demeurent. Les performances techniques restent insuffisantes et les coûts de production élevés, ce qui ne permet pas aux professionnels de dégager une rentabilité assez forte. Les outils industriels manquent notamment encore de compétitivité. Par ailleurs, la raréfaction de la viande bovine dans les grandes surfaces se poursuit.
En 2015, la mise en place du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations et d’une aide couplée ovine encourageant la productivité et la valorisation des produits, pourrait redonner un coup de boost à la filière. A cela, s’ajoute la mise en place d’une aide couplée aux éleveurs implantant des légumineuses fourragères dans le cadre du premier pilier de la PAC. Et d’ici 2020, devrait intervenir
un plan stratégique génétique ovine 2020. Globalement, la filière ovine doit faciliter le renouvellement des générations et la reprise des exploitations. Les éleveurs constituent aujourd’hui une population plutôt âgée. La maîtrise technique, sanitaire et économique des troupeaux doit encore être améliorée et une restructuration des signes de qualité, trop nombreux, s’avère nécessaire.

Les pistes pour relancer les filières porcine et avicole

La production de viande porcine, en France, est en baisse depuis 2010. Ce qui entraîne des difficultés pour les abattoirs, qui mobilisent moins bien les économies d’échelle que les concurrents européens. Faute de volumes suffisants, leurs faibles marges les privent de moyens pour se moderniser. La filière pâtit également d’un manque d’investissement du côté de la production. Pour se redynamiser, la filière porcine doit améliorer ses performances économiques et écologiques. Elle doit pour cela moderniser ses exploitations, consolider les secteurs de l’abattage et de la transformation, refonder les relations contractuelles et commerciales, et mieux valoriser sa production. Cela passe par une modernisation du parc de bâtiments et l’installation de traitement des effluents. Effluents qui doivent être davantage valorisés via la méthanisation et sous forme de fertilisants. Les opérations de regroupement ou d’agrandissement devrait également être facilitées. Les outils industriels devront, dans le même temps, être adaptés, de façon à réduire les surcapacités de manière concertée.

Pour ce qui est de la volaille, la consommation est en hausse dans le monde mais l’Union européenne est désormais à peine autosuffisante. En France, la production a chuté de 20 % en 10 ans, du fait d’une perte de compétitivité, entraînant une baisse des exportations. Les principaux enjeux de cette filière sont la reconquête du marché intérieur, en particulier du poulet standard et le renforcement des exportations, particulièrement vers les pays tiers, qui tirent aujourd’hui la demande. Tout comme pour la filière porcine, la valorisation des effluents doit être consolidée. Le gouvernement doit aider les entreprises à investir, de façon à moderniser les sites industriels pour les rendre plus compétitifs, saturer les outils d’abattage découpe viables et réduire les surcapacités. L’arrêt des promotions à prix cassés et la simplification des gammes de produits sont également des pistes à étudier.

Plus de compétitivité sur le secteur viande : quel rôle pour l’État ?

Le gouvernement a récemment mis en place un certain nombre d’aides qui pourraient contribuer à aider le secteur viande. Le Pacte de responsabilité va notamment permettre, dès 2015, des allègements de charge de 27 millions d’euros pour l’élevage de bovins allaitants et de 19 millions d’euros pour l’élevage porcin. Par ailleurs, l’État et les régions vont mobiliser 200 millions d’euros par an pendant 5 ans pour la modernisation des élevages au travers du Pacte de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Autre mesure : les délais de recours contre les projets d’investissement dans les exploitations sont réduits à 4 mois. Le Programme des investissements d’avenir s’appliquer également à ces secteurs, que ce soit par l’appel à projet pour financer des projets de filière à hauteur de 45 millions d’euros ou l’appel à projets pour les abattoirs doté de 20 millions d’euros. France AgriMer a en effet lancé un appel à financement sur « la compétitivité des métiers et de la viande », qui se clôturera le 29 janvier 2016. Cet appel à projets vise à soutenir l’innovation , le développement de solutions et la mise en place de nouveaux process modernisés dans le domaine de l’abattage -découpe de viandes, toutes filières animales confondues. Les projets devront correspondre à des dépenses éligibles d’un montant supérieur à 1 000 000 euros. Contenu innovant, impact commercial et financier, impact environnemental, impact économique et social et intégration du projet au sein du secteur concerné sont les principaux critères qui seront pris en compte pour sélectionner les projets.

ParLa rédaction
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