Site icon Agro Media

Ces nouvelles viandes qui séduisent les français.

Pendant les fêtes, il n’est pas rare de trouver dans nos rayons des viandes qui diffèrent de nos habitudes : kangourous, autruches ou encore biches et chevreuils se cotoient dans les linéaires sous forme de pavés et autres rôtis. Ces viandes ont su s’imposer dans nos habitudes de consommation mais restent encore festives et certains consommateurs ont une appréhension quant à leur goût.

Comment ces viandes sont-elles apparues dans nos linéaires ? Pourquoi ont-elles de plus en plus la cote ? Sont-elles promises à un brillant avenir ?

Du sanglier à l’antilope, en passant par le crocodile, agro-media.fr vous propose de faire le tour du monde des viandes « exotiques ».

 

Quelles sont ces viandes « exotiques » ?

En France, le nombre d’animaux dont nous consommons habituellement la viande est assez faible : porcins, volaille, bovins, ovins, caprins et équidés sont les plus consommés. De fait, tout ce qui se distingue de ces six grandes familles peut être considéré comme une viande « exotique » ou du gibier : autruche, kangourou, antilope, biche, chevreuil, alligator, zèbre, kangourou… De façon plus générale, les viandes exotiques sont issues d’animaux non domestiques et d’origine lointaine.

Certaines entreprises de production, de distribution et de restauration se sont spécialisées sur ce créneau insolite. Mais la période de consommation de ces nouvelles viandes reste véritablement centrée autour des fêtes pendant lesquelles les consommateurs recherchent des produits qui sortent de l’ordinaire pour surprendre leurs convives. L’autruche et le kangourou sont les deux types de viande les plus vendus pendant les fêtes, et sont généralement proposées sous forme de rôtis et de pavés. Produit dit « festif », l’autruche se consomme toute l’année et surtout lors des fêtes de fin d’année (50 % de la viande vendue sur un an), à un prix identique au bœuf. Estimée à 1 250 tonnes par an, la consommation française connaît une hausse relative (source : OG10). En ce qui concerne le gibier, la viande de biche est la plus abordable et ne nécessite pas d’être marinée avant consommation. Au contraire, le sanglier nécessite une marinade pour être plus tendre et avoir un goût moins prononcé. Le chevreuil est davantage apprécié par des consommateurs plus jeunes car il a un goût moins boisé.

 

Pourquoi mangeons-nous certaines viandes et pas d’autres ?

Pourquoi mange-t-on en France du porc ou du bœuf et pas du kangourou de façon régulière ? Bien entendu, il y a tout d’abord un lien avec notre géographie et notre climat, mais aussi avec notre histoire. Nous consommons des animaux que nous élevons depuis longtemps pour leur viande. Ainsi, certaines habitudes de consommation dans d’autres pays choquent les occidentaux, comme les insectes, par exemple. A l’inverse, les cuisses de grenouille ou les escargots que nous mangeons en France ne cessent d’interpeller la plupart des autres pays du monde, même nos voisins frontaliers, ce qui prouve que la distance n’explique pas tout…

D’un point de vue symbolique, nous ne consommons que les animaux qui sont proches de nous, mais pas trop. Ainsi, si nous acceptons de consommer du porc ou du bœuf, il ne nous viendrait pas à l’idée de manger du chien ou du chat, ni de l’éléphant ou de la salamandre. Si les consommateurs parviennent à accepter de nouvelles viandes, c’est qu’elles ne leur paraissent plus trop exotiques sans pour autant être trop proches de nous.

Il reste néanmoins important de préciser qu’il est interdit de chasser et de consommer des animaux protégés. La plupart des viandes exotiques proposées par les grossistes spécialisés sont issues d’élevages.

Les associations de protection des animaux et les associations végétariennes dénoncent régulièrement l’arrivée des viandes exotiques sur nos étals à l’occasion des fêtes. Par exemple, Brigitte Bardot  avait dénoncé l’hiver dernier « ces étals gargantuesques d’antilope, zèbre, kangourou…, [qui] font du Carrefour de Labège un épouvantable cimetière animalier, un tableau de chasse effrayant et ignoble. En cette période de crise, il est indécent, profondément choquant, de flinguer à tout va pour remplir des rayons qui débordent déjà de cadavres ».  Sans parler du trafic lié à ce type de viande : une étude de l’Institut de zoologie de Londres publiée en 2010 estime à cinq tonnes hebdomadaires la quantité de « viande de brousse » dissimulée dans les bagages réceptionnés à l’aéroport Charles-de-Gaulle.

 

Quel avenir pour le marché des viandes insolites ?

Les ventes de viandes exotiques/insolites sont en progression. Par exemple, en Angleterre, ce marché très controversé « aurait augmenté de 17% en 1999-2004, pour atteindre 72,4 millions de dollars » en 2005, selon les chiffres du cabinet d’études Mintel.

Si les consommateurs plébiscitent ces viandes, c’est en partie à cause des crises sanitaires qui frappent nos élevages « traditionnels ». De même, ces viandes sont souvent perçues comme plus saines que les autres, moins grasses. Leur goût, parfois surprenant, nous change de l’ordinaire et nous permet de voyager sans bouger de chez nous (de la même façon que les produits ethniques ou exotiques dont nous vous avions récemment parlé dans une analyse). La restauration tente de surfer sur ce créneau et les viandes insolites sont même parfois au cœur du concept de certaines chaînes de restaurant (comme le bison pour Buffalo Grill).

Pourtant, les viandes insolites n’ont pas toujours été plébiscitées par les consommateurs, dans certains pays. Par exemple, la Suisse avait démontré un engouement pour ces viandes dès 1996 et avait autorisé leur importation. Environ 4 000 tonnes de gibiers franchissaient chaque année la frontière. Selon le journaliste Jacques Teyssier, « aujourd’hui, le constat est sévère. Mais il est unanime. Les Suisses boudent ces viandes exotiques. A peine quelques tonnes. Le kangourou est perçu comme beaucoup trop sympathique pour atterrir dans l’assiette. A l’inverse, le crocodile effraie ».

En France, ces viandes essaient de s’imposer depuis des années. Et l’on note que le comportement des consommateurs est parfois paradoxal et très versatile en fonction des modes. Ce type de marché peut donc très vite retomber. Une enquête du Crédoc avait ainsi montré qu’entre 1996 et 2011 près de 40 % des Français consommaient des plats de cuisine exotique pour varier et se dépayser. Autre souci qui empêche aux viandes insolites de se démocratiser en France : « Les viandes d’origine lointaine comme les autruches et les bisons pourraient perdre cette image attractive s’ils proviennent d’élevages français », selon Jean-Louis Humbert, professeur à l’Enitiaa de Nantes. Difficile donc d’imaginer des élevages de kangourous en France…

 

Finalement, le marché des viandes insolites est très instable. Il suit les différentes modes de consommation, qui ne cessent de varier. Si le kangourou et l’autruche sont actuellement populaires pendant les fêtes de fin d’année, rien ne garantit que ces viandes le seront toujours dans quelques années… De plus, les spécificités des animaux sauvages et leur perception par les consommateurs empêchent la mise en place d’élevages spécialisés en France, qui permettraient pourtant de démocratiser ces viandes. Bref, les distributeurs auront beaucoup d’efforts à fournir s’ils souhaitent implanter durablement les viandes exotiques dans leurs linéaires… V.D.

Quitter la version mobile