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OGM, un débat sous haute tension.

Après la publication en septembre d’une étude dirigée par le professeur Séralini et qui montre que des rats nourris au maïs OGM développent davantage de tumeurs, un clivage se fait de plus en plus ressentir entre la société civile et la communauté scientifique. Agro-media.fr tente de présenter une synthèse du débat, en rappelant ce qu’est un OGM, où en trouve-t-on dans notre alimentation, ce que dit la réglementation, et en éclairant les positions des « pros » et des « contras », sans parti pris.

 

Les OGM sont présents dans notre alimentation

D’après la définition officielle du gouvernement, « un Organisme Génétiquement Modifié, OGM, est un organisme (animal, végétal, bactérie) dont on a modifié le matériel génétique (ensemble des gènes) par une technique dite de « génie génétique » pour lui conférer une caractéristique nouvelle » (source ogm.gouv.fr).

Plus concrètement, aujourd’hui, dans le domaine agronomique, les OGM les plus cultivés dans le monde correspondent à des espèces de grande culture comme le soja, le maïs, le coton et le colza. Les propriétés recherchées vont de la résistance à certains insectes ravageurs des cultures, à la tolérance à certains herbicides, en passant par la résistance à certaines maladies. Les chercheurs étudient actuellement le développement de certaines plantes tolérantes à des conditions de stress environnemental, telles que la sécheresse, le froid, etc. Le génie génétique pourrait également permettre d’éliminer des substances toxiques produites naturellement par certaines plantes.

Dans le domaine de l’alimentation, seul le maïs doux est actuellement autorisé « tel quel » en Europe. Mais on peut également trouver des aliments hautement transformés, comme des huiles, des farines, etc. issus de matières premières génétiquement modifiées, ces aliments étant autorisés. Là encore, les chercheurs travaillent sur le développement d’aliments enrichis en vitamine A, ou encore d’huiles à teneurs plus faibles en acides gras saturés, afin de limiter les carences alimentaires et les maladies cardiovasculaires.

D’une manière générale, on retrouve principalement des OGM dans les aliments suivant :

On en retrouve également dans certains ingrédients, additifs et arômes utilisés en agroalimentaire :

 

La réglementation évolue vers plus de transparence sur les OGM

En tout, l’Union européenne autorise la consommation de 46 OGM, dont 26 variétés de maïs et, en moindre mesure, de soja, coton, colza, pomme de terre et betterave.  Cependant, étant donné que la culture de ces OGM est largement interdite en Europe, et complètement en France, ces produits sont majoritairement importés. Ils servent à nourrir les animaux d’élevage, ou comme ingrédients ou additifs comme vu précédemment.

Attention cependant, tous ces produits doivent être étiquetés pour leur caractère génétiquement modifié, sauf en cas de présence fortuite à une teneur inférieure à 0,9%, en application du règlement 1829/2003 relatif aux denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés.

Ainsi, l’UFC – Que choisir précise que « dans la mesure où les consommateurs rejettent les produits transgéniques, les professionnels se débrouillent pour ne pas en utiliser ».

De plus, en France, depuis le 1er juillet, les fabricants de produits alimentaires ont la possibilité d’apposer deux mentions différentes, selon la probabilité plus ou moins grande que le produit contienne des traces d’organismes génétiquement modifiés :

Peuvent être étiquetés « Sans OGM » les ingrédients issus de végétaux génétiquement modifiés ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché de l’Union européenne, s’ils contiennent moins de 0,1% d’OGM.

Cette réglementation, le décret n° 2012-128 du 30 janvier 2012, prévoit également l’étiquetage d’une mention « issu d’animaux nourris sans OGM ». Le miel, pour sa part, sera étiqueté « Sans OGM dans un rayon de 3 km ». Elle est cependant d’application facultative, contrairement au règlement 1829/2003.

Ce décret, outre la plus grande transparence qu’il amène pour le consommateur, répond également à une véritable pression marketing du « sans OGM ». En effet, alors que Greenpeace, dans son Guide des produits avec ou sans OGM, adresse un carton rouge aux produits à marques de distributeurs (MDD) et pointent du doigt le fait que les labels rouges et les appellations d’origine contrôlée ne garantissent pas une non-utilisation d’ingrédients transgéniques, Carrefour s’est empressé de communiquer sur la mise en place de son étiquetage « sans OGM » sur plus de 300 produits dès le mois d’octobre 2010.

Pour l’ONG, seule la mention « Agriculture biologique » est garante de l’absence de produits OGM.

 

L’étude Séralini, reflet des peurs de la société

Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour Dimanche Ouest France après la publication des résultats de l’étude Séralini, 79% des personnes interrogées s’inquiètent de la présence éventuelle d’OGM dans leur alimentation. 38% se disent même « très inquiets ». Les femmes et les hommes partagent le même niveau d’inquiétude (80% contre 79%). L’appartenance politique ne semble pas non plus jouer outre mesure, qu’il s’agisse dès sympathisants PS (84% d’inquiétude), d’Europe Ecologie Les Verts (83%), du Modem (88%) ou de l’UMP (73%) et du FN (73%).

Seul l’âge des populations semble importer, puisque les jeunes âgés de moins de 35 ans, bien que majoritairement inquiets (71%, mais seulement 57% pour les 18-24), le sont moins que les 35 ans et plus (83%).

Autre preuve de l’anxiété de la société, 130 organisations de la société civile, dont le WWF, la Confédération Paysanne, Greenpeace et Attac, ont signé un appel commun dans lequel elles exigent la transparence et réclament la suspension provisoire des autorisations du maïs NK603 et du Roundup.

Et cet appel intervient après que l’étude Séralini ait reçu un accueil particulièrement hostile d’une grande part de la communauté scientifique. Ces critiques, plutôt que de rassurer les ONG et autres associations de consommateurs, ont eu l’effet inverse, en accentuant l’esprit de défiance, et en agitant le spectre de la « théorie du complot ».

Dans leur communiqué, les 130 ONG qui soutiennent les résultats de l’étude de Gilles-Eric Séralini expliquent que « face à la gravité des conséquences sanitaires possibles », elles s’inquiètent, « d’autant plus qu’elles constatent que les principales critiques de cette étude proviennent des membres des comités d’évaluation à l’origine de l’autorisation dudit maïs ».

Corinne Lepage, présidente du Criigen (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie GENétique) qui a financé l’étude du professeur Séralini , et qui vient de publier un livre sur le sujet, va plus loin dans Le Nouvel Observateur. Pour elle, à propos des critiques formulées par la communauté scientifique, et notamment du pré-avis de l’EFSA délivré la semaine dernière qui jugeait l’étude « insuffisante » pour remettre en cause l’autorisation de mise sur le marché du maïs incriminé : « un pré-avis, rendu par des non scientifiques fonctionnaires de l’EFSA et deux scientifiques dont on ignore le nom et le parcours, sans aucun débat contradictoire, n’est pas admissible sur le plan déontologique ».

Pour la présidente de CAP 21, « les critiques adressées à l’étude Séralini […] illustrent surtout la faiblesse insigne des études réalisées par l’EFSA et la responsabilité évidente et croissante de cet organisme et de ses experts ».

On pourrait dès lors résumer l’impact de l’étude Séralini comme suit : l’irrationalité des craintes de la société face à la froideur méthodique des justifications scientifiques.

 

L’étude Séralini, une étude à charge ?

La communauté scientifique semble faire front, et critiquer d’une seule voix (ou presque) l’étude du professeur Séralini, plus sur la forme que sur le fond, mais on sait à quel point la forme est importante pour la Science.

Ainsi, selon le scientifique Kevin Folta de l’Université de Floride, cette étude a tout simplement été « conçue pour effrayer » l’opinion publique.

Dans un article publié sur le site slate.fr, le journaliste scientifique Keith Kloor rappelle que Gilles-Eric Séralini n’en est pas à sa première étude « contestée » selon les termes du New-York times. Que penser également, puisqu’il est question de lobby, du financement de l’étude du professeur Séralini par un organisme, le CRIIGEN, à priori opposé aux OGM ?

Enfin, la méthode de diffusion des résultats de l’étude est également largement critiquée tant par les scientifiques que par certains journalistes. La signature d’accords de confidentialité, le fait qu’un livre et un film sortent juste après la publication des résultats de l’étude, tout amène certains à affirmer que le professeur Séralini a orchestré une véritable campagne de communication promotionnelle autour de son étude.  Carl Zimmer, journaliste scientifique, déclarait sur son blog Discover que cette pratique est « rance et corrompue ».

D’une manière générale, on assiste à une réaction plus ou moins unanime de la part des scientifiques, à l’instar de Pamela Ronald, généticienne à l’Université de Californie-Davis qui écrivait l’an dernier dans le Scientific American qu’il « existe un important consensus scientifique prouvant que les plantes génétiquement modifiées disponibles actuellement sur le marché alimentaire ne représentent aucun danger ».

Keith Kloor rappelle ainsi que « les humains sélectionnent consciemment les plantes et les animaux qu’ils mangent quasiment depuis qu’ils sont sortis des cavernes et, de fait, ont manipulé leurs gènes tout du long. Le processus était tout simplement un peu plus lent avant l’apparition des biotechnologies ».

C’est François Houillet, nouveau patron de l’INRA, qui, à travers la lettre ouverte qu’il publiait la semaine dernière, conclut le débat : « Au final, les travaux de monsieur Seralini  satisfont ceux qui veulent y croire mais ne répondent probablement pas aux critères permettant d’en tirer des conclusions scientifiques solides. Dans le même temps, la recherche publique continue de conduire à bas bruit médiatique et dans des conditions de plus en plus difficiles des travaux de recherche sur les questions posées par les OGM. Ces recherches conduites sur financement public sont d’autant plus nécessaires qu’il faut entretenir une expertise scientifique de haut niveau et indépendante des intérêts particuliers sur toutes ces questions sensibles. »

 

Et maintenant, quid des OGM ?

C’est dans ce contexte houleux que le gouvernement a proposé de créer une Haute Autorité de l’Expertise scientifique et de l’Alerte en matière de santé et d’environnement (HAEA). Interrogée par Le Monde sur le rôle que pourrait avoir ce type d’organisme dans la situation actuelle, Marie-Angèle Hermitte (CRNS), membre du comité de déontologie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, expliquait que l’HAEA permettrait de « s’assurer que les experts qui donneront leur avis ne [soient] pas en situation de conflit d’intérêts (…) mais aussi qu’ils ne se soient pas déjà prononcés par le passé sur le maïs NK603 et son herbicide associé ». Car il est toujours difficile de se déjuger.

En attendant, sollicitée par la France, l’EFSA a fait savoir qu’elle jugeait « insuffisante » l’étude de Gilles-Eric Séralini sur la toxicité du maïs NK603 pour pouvoir rendre un verdict. Elle a demandé des compléments d’informations au professeur Séralini. Ce dernier, accusant l’EFSA de conflit d’intérêts, puisque l’EFSA avait d’ores et déjà autorisé le maïs NK603, a indiqué qu’il ne répondrait pas aux demandes de l’organisme européen.

De son côté, le gouvernement, par la voix de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a indiqué attendre l’avis de l’ANSES avant de se prononcer, même s’il entend « poser la question globale des protocoles d’autorisations sur les OGM » quoi qu’il arrive. Le rapport de l’ANSES est attendu pour le 20 octobre prochain. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait également annoncé que si le danger de certains OGM était vérifié la France « défendrait au niveau européen » leur interdiction.

Et Monsanto dans tout ça ? Le géant mondial de l’agroalimentaire « prend bonne note » de ce premier avis rendu par l’EFSA, affirmant qu’il prenait « très sérieusement toute nouvelle étude concernant [ses] semences ».

Notons également que même les américains souhaitent plus de transparence sur leur alimentation, avec par exemple en Californie, une proposition de loi, la proposition 37, pour laquelle les électeurs Californiens devront se prononcer le 6 novembre prochain, qui prévoit de rendre obligatoire l’étiquetage des aliments, transformés ou non, contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM). Ce texte sera soumis au référendum du 6 novembre prochain pour une mise en application dans les 18 mois.

Actuellement, deux OGM – le maïs MON810 et la pomme de terre Amflora – sont cultivés dans l’Union européenne (sauf en France) et une cinquantaine d’autres, dont le NK603, ont obtenu une autorisation pour l’alimentation animale et humaine.

Gageons sans trop se mouiller que le débat sur les OGM est loin d’être clos, et gagnerait à être présenté de manière plus pédagogique au grand public.

 

Source : agro-media.fr

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