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L’Afrique, futur eldorado de l’agroalimentaire ?

Les raisons d'investir en Afrique sont nombreuses. Le continent dispose d'importantes ressources naturelles. Des marchés apparaissent pour les IAA.

L’Afrique, futur eldorado de l’agroalimentaire ?
Nestlé vend 100 millions de cubes Maggi par jour en Afrique de l’Ouest et centrale. @Neslté

Cémoi mise sur l’Afrique. Plus précisément sur la Côte d’Ivoire, où le chocolatier vient d’inaugurer une usine de transformation, comme nous vous l’annoncions récemment. Et l’entreprise perpignanaise n’est pas la seule à investir sur le continent. L’Afrique serait-elle devenue le nouvel eldorado des entreprises agroalimentaires et agricoles ? Elle ne manque certes pas d’atouts. Elle n’utilise actuellement que 2 % de ces ressources hydriques renouvelables alors que la moyenne mondiale oscille autour de 5 %. Elle dispose également d’environ 50 % des terres fertiles inexploitées dans le monde. Croissance démographique, urbanisation, hausse de la richesse par habitants, libéralisation politique et économique, sont également des arguments en sa faveur. Ainsi, les secteurs agroalimentaires et agricoles africains, qui pèsent aujourd’hui 313 milliards de dollars environ, pourraient en représenter 1000 milliards d’ici 2030, selon un rapport de la banque mondiale publié en 2013.

L’agroalimentaire a des obstacles à franchir en Afrique

Pourtant, les obstacles à cette croissance économique sont également nombreux. Au premier rang desquels, le manque d’infrastructures de qualité. A cela, s’ajoute des systèmes d’irrigation peu développés (seules 3 % des terres africaines sont irriguées, contre 47 % en Asie), des routes souvent absentes, une filière agricole mal organisée, ou encore des rendements agricoles faibles (les rendements céréaliers sont de 1,2 tonne par hectare environ, contre 5,5 tonnes par hectare dans l’Union européenne).

Depuis 2003, les gouvernements africains se sont pourtant engagés pour le développement de ces secteurs d’avenir. Cette année-là, le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PPDAA) a été lancé, avec pour objectif que d’ici 2015, les gouvernements africains investissent au moins 10 % de leur budget dans l’agriculture et accroissent la productivité agricole de leur pays d’au moins 6%.

Agroalimentaire : investissements publics et privés croissent lentement en Afrique

Selon le dernier rapport annuel du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), datant de 2013, douze pays ont atteint ou dépassé le taux d’allocation de 10 % du budget pour l’agriculture. Treize autres oscillent entre 5 % et 10 %. Et des tendances positives ont été enregistrées dans la majorité des autres pays, au cours des cinq dernières années. Les progrès sont réels. Mais ils sont lents.

En réalité, le développement de l’agroalimentaire en Afrique pourrait également reposer sur les investissements privés. Actuellement, l’agriculture africaine ne s’appuie sur les investissements privés étrangers qu’à hauteur de 7 % , contre par exemple 78 % pour l’Asie, selon le rapport de la banque mondiale.

Afrique : des opportunités d’investissement pour les IAA

Mais le secteur privé pourrait prendre la main sur l’agro-industrialisation. Les principales entreprises agroalimentaires interrogées à l’occasion d’une étude, mandatée par la Facilité africaine pour les marchés inclusifs (l’AFIM) du Programme des Nations Unies pour le développement (le PNUD), ont révélé des possibilités d’investissement se chiffrant en milliards de dollars. Parmi les opportunités citées dans le rapport, la mise en place d’installations de transformation de fruits concentrés au Nigeria, pour approvisionner un marché de plus d’un milliard de dollars en Afrique de l’Ouest, l’investissement dans des usines de manioc à grande échelle, pour exploiter un marché de l’amidon de plus de deux milliards de dollars, ou encore la culture commerciale du soja et d’autres plantes oléagineuses, dans le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et en Afrique de l’Ouest, pour répondre à plus de 400 000 tonnes d’insuffisance de l’offre.

D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises investissent en Afrique. Cémoi, avec son usine de transformation. Mais aussi Supreme Group, qui a annoncé fin 2014 avoir acquis l’entreprise tunisienne Gepaco (détenteur de la marque Moulin d’Or). Il ne s’agissait là que de la première étape, du projet bien plus ambitieux de la firme connue pour être le fournisseur en vivres de l’armée américaine. C’est en réalité 500 millions de dollars, que la société souhaite injecter dans des PME africaines du secteur agroalimentaire. Le Maroc, l’Algérie, la Côté d’Ivoire, mais aussi le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud pourraient bénéficier de cet investissement. L’objectif étant de dégager un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars sur le continent à l’horizon 2017.

Les géants de l’agroalimentaire misent sur l’Afrique

Quelques semaines avant cela, la fondation de Bill et Melinda Gates annonçait quant à elle investir 5,5 milliards de francs CFA, soit plus de huit millions d’euros, dans l’agroalimentaire. Des subventions, dont vont bénéficier le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, le Nigeria et la Tanzanie.

Et les géants du secteur industriel ne sont pas en reste. Nestlé, qui emploie plus de 400 personnes en Algérie, a ouvert, en mars dernier, une nouvelle usine dans le pays, spécialisée dans la transformation de café et de céréales. Danone réalise pour sa part déjà 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Afrique, où il investit massivement. Le groupe y dispose d’environ 10 000 salariés à travers ses différentes filiales. Après avoir acquis 67 % des parts du numéro un marocain des produits laitiers, la Centrale laitière, en 2013, Danone a racheté, quelques mois plus tard, Fan Milk, leader des boissons et produits laitiers glacés en Afrique de l’Ouest. Et l’été dernier, c’est au capital du Kenyan Brookside Dairy que le groupe est entré.

 

Adapter ses produits pour conquérir l’Afrique

Mais comme pour tout marché étranger, s’attaquer au continent africain nécessite d’adapter ses produits. Proposer un conditionnement miniaturisé, pour présenter de petit prix peut notamment s’avérer être une stratégie gagnante. Pernod Ricard et Diageo vendent par exemple leur whiskies au format miniature (12, 20 ou 35 cl). Bell a pour sa part adapté le goût de ses produits en commercialisant la marque Vache qui rit, avec un goût de fromage moins prononcé. Nestlé vend des cubes Maggi fortifiés en iode, pour pallier les carences fréquentes dans certaines régions. Unilever propose sa margarine Blue Band, enrichie en vitamines et en acides foliques. Quant à Danone, il vend des yaourts longue conservation, sous les marques Ultramel, Mayo, ou Nutriday.

Les modes de distribution sont également adaptés, notamment en recourant aux vendeurs de rue. C’est ce qu’ont décidé de faire les marques Nescafé, Vache qui rit ou Danone.

Algérie et Afrique du Sud : deux marchés à ne pas négliger

De plus en plus, les pays africains cherchent des partenaires, près à produire localement. Mais l’Afrique peut également présenter de belles opportunités en termes d’export, pour les entreprises françaises.

La France est par exemple le premier partenaire commercial de l’Algérie dans l’agroalimentaire. Il existe dans le pays une forte demande en savoir-faire, en équipements, en intrants, mais aussi en partenariat, estime la BPI. De plus, la proximité géographique, l’absence de barrière de la langue, et la bonne image dont jouissent les produits français sont autant d’arguments pour encourager les entreprises à investir dans le pays.

L’Afrique du Sud est également un marché de plus en plus porteur. Les importations françaises ne cessent d’augmenter dans le pays, qui a l’avantage de constituer un tremplin vers les autres marchés du continent. Les vins et spiritueux français sont très appréciés, et la demande en fromages devrait croître de 56 % d’ici à 2020 selon les estimations. Par ailleurs, avec le développement de la filière d’élevage sud-africain, la demande en aliments du bétail tend elle-aussi vers à la hausse. Par ailleurs, les industriels sud-africains sont également avides de produits innovants, dans la filière des ingrédients, des équipements IAA, mais aussi des emballages. Enfin, des investissements sont aussi attendus dans les secteurs de l’économie d’eau, de l’énergie et du traitement des déchets.

La France peut jouer de sa bonne image en Afrique

Les autres pays africains peuvent également présenter des opportunités intéressantes, sur toutes les filières. Les vins et spiritueux français bénéficient toujours d’une très bonne image. Cette dernière importe d’ailleurs autant, voire plus, que le goût. Les ventes ont par exemple doublé, entre 2010 et 2013, en Angola.

Au Nigeria, la France pourrait s’introduire sur le marché de l’épicerie fine, en jouant sur l’image de luxe des produits français, ou celui de la boulangerie-pâtisserie, actuellement inexistant. Pour ce qui est du machinisme agricole et des équipements agroalimentaires, la France peut une fois de plus miser sur sa réputation. Les produits français sont dits chers, mais de qualité.

Les TICs : futur de l’agroalimentaire africain ?

Par ailleurs, l’émergence des technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique pourrait largement favoriser le développement de l’agroalimentaire. Un rapport de la banque mondiale en 2012 soulignait cette tendance. Parmi les applications envisagées : la planification de l’utilisation des sols, afin de faciliter l’adaptation au changement climatique ; le partage de nouvelles formes de production et de commercialisation ; ou encore la mise en place de systèmes d’irrigation efficients, grâce à des programmes de gestion de l’eau. Autant d’exemples qui pourraient faire de l’Afrique un important marché d’avenir dans le secteur agroalimentaire.

ParLa rédaction
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