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Charcuterie : comment la filière va remonter la pente

Face à la baisse de la consommation, la perte de rentabilité, de compétitivité et la suppression d'emplois, le secteur de la charcuterie doit miser sur l'export et les innovations.

Charcuterie : comment la filière va remonter la pente
En pleine polémique sur la cancérogénécité des viandes rouges et charcuterie, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a rendu public une synthèse de la monographie sur l’évaluation de la maladie liée à la consommation de viande rouge et de produits carnés transformés.

2013 fût une année noire pour la charcuterie. « C’est la pire crise de notre histoire »,  estime même Robert Volut, président de la Fédération Française des Industriels Charcutiers Traiteurs (Fict). Si le chiffre d’affaires de la filière a connu une légère hausse (0,3 %), pour atteindre 6,6 milliards d’euros, tous les autres indicateurs sont dans le rouge. La production de charcuteries-salaisons a baissé de 1,4 %, pour la première fois depuis trois ans, à 1,039 millions de tonnes. La rentabilité des entreprises -victimes de la guerre des prix avec la grande distribution- s’est quant à elle effondrée ces dernières années. En 2012, 48 % d’entre elles étaient en perte. Et les investissements ont reculé de 40 % en 2013.

L’année 2013 fût également délétère pour les emplois de la filière. 1 110 postes ont été supprimés sur les 33 000 que compte la branche, alors que 700 emplois avaient déjà été détruits au cours des deux années précédentes. La réorganisation du groupe Madrange fin 2013, et l’arrêt du désossage des jambons a par exemple entraîné la disparition 136 emplois chez ses sous-traitants.

 

Jean Caby et Madrange suppriment des emplois

Jean Caby, également en difficulté -l’entreprise perdrait environ 20 millions d’euros par an- a annoncé en janvier la suppression de 150 emplois dans le Finistère. L’entreprise devrait d’ailleurs être rachetée par la Financière Turenne Lafayette. « Arnaud Montebourg m’a fortement encouragée à m’y intéresser, a expliqué Monique Piffault, PDG du groupe. Il considère que pour rationaliser la filière française et faire face à la concurrence, il faut des plus grosses structures. Les entreprises allemandes font des tonnages bien plus importants que Madrange, Paul Prédault ou Fleury Michon. Pour nous, Jean Caby, c’est un complément. »

La filière charcuterie doit également faire face à une baisse de la consommation. En 2013, elle a reculé de 0,4 %, pour s’établir à 1,117 millions de tonnes. Si la consommation à domicile progresse prudemment (+1,2 %, à 835 000 tonnes), elle dégringole de 4,7 % dans la restauration, à 282 000 tonnes. « Le bannissement de la charcuterie en restauration collective, pour des raisons confessionnelles, ces trois à quatre dernières années, pèse sur le secteur », a expliqué Robert Volut, à l’occasion de la présentation du bilan annuel du secteur la semaine passée.

Charcuterie : une filière en manque de compétitivité

Les marques nationales tirent leur épingle du jeu, en enregistrant une hausse de 0,2 point de parts de marché en volume (+34,5 %) et 0,7 point en valeur (+43,2 %), qui s’explique par « un regain de préférence des consommateurs pour des produits de qualité », selon le président de la Fict. A l’inverse, les marques de distributeurs et d’entrée de gamme ont reculé. Et le rapport de la Cour des comptes, dont le Télégramme a récemment révélé des extraits, ne devrait pas arranger la situation. Il dénonçait la présence de « viandes grises-verdâtres impropres à la consommation humaine dans des charcuteries, moisissures, souris vivantes ou mortes, excréments de souris dans des étuves à chorizo ».

La cinquième industrie alimentaire française, qui concentre 5,3 % du chiffre d’affaires des industries agroalimentaires, aura d’importants efforts à fournir dans les années à venir pour remonter la pente. Le premier d’entre eux consistera à améliorer la compétitivité du secteur. La filière porcine, qui produit la majorité de la matière première pour les transformateurs charcutiers est en grande difficulté et manque cruellement de compétitivité par rapport à ses concurrents européens, en raison de trop faibles investissements dans les abattoirs, de coûts de production élevés dans l’abattage et la découpe et d’une faible valorisation des pièces de porc. Elle accuse également un retard considérable en termes d’automatisation et de standardisation. Seule lueur d’espoir pour les acteurs de la filière : la mise en place d’un salaire minimum dans les abattoirs allemands à partir du mois de juillet, alors que ces derniers recouraient largement au dumping social, ce dont souffraient les abattoirs de l’Hexagone.

Chute de la rentabilité de la charcuterie

Le secteur devra également travailler à la consolidation de sa rentabilité et pour cela, améliorer les relations avec la grande distribution. En effet, depuis dix ans, le prix de la viande de porc a augmenté de 28 %, alors que ceux des produits transformés vendus à la grande distribution ont progressé de 7 % et que le prix de vente en GMS s’est accru de 14 %.

Décomposition du prix du jambon. Le Monde
Décomposition du prix du jambon. Le Monde

Et selon l’Observatoire de formation des prix et des marges, c’est au rayon charcuterie que l’on trouve les taux de marge nette les plus élevés, à 5,8 % du chiffre d’affaires en moyenne. Les relations sont de plus en plus tendues entre producteurs, industriels et producteurs. Les présidents de la FNSEA, de l’Ania et de Coop de France ont adressé la semaine passée une lettre ouverte à Manuel Valls à ce sujet.

Produits de charcuterie : miser sur l’export

Par ailleurs, la filière doit faire des efforts pour se développer à l’export. En 2013, sa balance commerciale était déficitaire de 473 millions d’euros. Les importations des produits de charcuterie ont augmenté de 3 %, alors que les exportations ont chuté de 5 %.

« Il nous faut chercher de nouveaux marchés. A chaque fois que l’on crée 200 000 euros de chiffre d’affaires, nous pouvons recruter », a affirmé Robert Volut. Et la charcuterie a montré des signes encourageants ces derniers mois. Trois entreprises (Les Salaisons et Conserves du Rouergues, Brocéliande et Haraguy) ont obtenu un agrément pour exporter leurs produits en Chine. Sept autres firmes devraient recevoir le feu vert sous peu. Une bonne nouvelle sachant que la population de cadres dans l’Empire du milieu qui pourrait acheter de la charcuterie française représente 170 millions de personnes.

Le jambon de Bayonne : un succès à l’international

La France veut également développer ses exportations aux États-Unis. Actuellement, seul Hénaff possède les autorisations nécessaires, mais Delpeyrat a l’ambition de conquérir ce marché. « Depuis le Canada, nous avons pris des premiers contacts avec les importateurs américains. Pour l’entreprise, le potentiel se situe à 50 tonnes de jambon la première année et à 100 tonnes au bout de trois ans », estime Stanislas Salembier, directeur de l’export de Delpeyrat, dans Les Echos. L’entreprise, spécialiste du jambon de Bayonne pourrait exporter à elle seule 6 000 jambons environ dès la première année.

Globalement, le jambon de Bayonne est un produit qui rencontre un certain succès à l’international, eu Europe, au Canada, mais aussi au Japon et à Hong-Kong. Le Consortium du jambon de Bayonne prévoit d’ailleurs de commercialiser ses produits à Singapour, à Taïwan, en Russie, au Brésil et en Corée du Sud. Certaines PME marquent également des points à l’international, à l’instar de France Gourmet, qui a conquis le marché coréen, en adaptant son offre à la demande locale.

Nutrition : la charcuterie s’engage

Pour les entreprises du secteur, la poursuite de l’innovation produit est également primordiale pour conserver ou gagner de nouvelle parts de marché. Ces derniers mois, de nombreux lancements de produits se sont concentré sur l’aspect nutrition/santé. Monique Ranou a par exemple lancé son « filet de dinde doré au four » allégé, avec moins de 2 % de matière grasse et 25 % de sel en moins. Aoste a également sorti un jambon avec une réduction de 25 % de sa teneur en sel. Quant à l’entreprise Bordeau-Chesnel, elle a relancé ses rillettes du Mans sans graisse ajoutée. La trop forte présence de graisses constitue en effet un frein à la consommation des rillettes selon la marque. Herta s’est également engagée en faveur de la nutrition via la signature d’un accord collectif dans le cadre du Plan National pour l’Alimentation et Fleury Michon vient de signer sa deuxième charte d’engagements nutritionnels.

Les acteurs de la charcuteries sont par ailleurs de plus en plus nombreux à s’axer sur des produits à base de volaille. Leur consommation a bondi de 52,3 % entre 2005 et 2013. Justin Bridou a notamment lancé un saucisson de volaille : le Bâton de Berger Mini Poulet. Herta a pour sa part sorti des Knacki Ball 100 % Poulet.

La tendance du snacking au rayon charcuterie

L’essor des produits apéritifs et snacking influence également les lancements de produits dans la charcuterie. Aoste a lancé cette année un caviar de jambon cru tomate séchée-parmesan ou ail-basilic. Et Jean Caby a sorti deux nouvelles variantes de ses saucisses cocktail au bacon et réduites en matières grasses.

Sur le plan des innovations, on peut également citer Aoste, qui a lancé des aides culinaires (Pépites Aoste, Pépites de Chorizo, Rubans de Serrano ou Pétales Aoste), à ajouter dans des plats fait maison, en surfant sur la tendance des kit culinaires. La marque Hénaff a quant à elle miser sur la tendance à la personnalisation des produits alimentaires en proposant, jusqu’au 15 juillet, de personnaliser ses boîtes de pâtés de 1 kg, pour les anniversaires, les mariages ou autres occasions spéciales, en ajoutant une image et un nom de son choix.

ParLa rédaction
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