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Epilogue de Doux, vers quel avenir pour la filière avicole française ?

Le verdict est tombé. Comme tout le monde le prévoyait, le naufrage du groupe agroalimentaire Doux et notamment de son pôle frais ont entrainé la destruction d’environ un millier d’emplois. Sofiprotéol et LDC vont désormais se partager les restes de ce qui fut le premier producteur européen de volailles.

Le verdict est tombé. Comme tout le monde le prévoyait, le naufrage du groupe agroalimentaire Doux et notamment de son pôle frais ont entrainé la destruction d’environ un millier d’emplois. Sofiprotéol et LDC vont désormais se partager les restes de ce qui fut le premier producteur européen de volailles. Agro-media.fr vous donne à travers cette analyse l’épilogue de cette triste saga, qui pourrait malheureusement bien être le reflet d’une filière à la peine…

 

Le groupe agroalimentaire Doux, grandeur et décadence.

Le Groupe Doux est le premier producteur européen de volailles avec 1 million de tonnes produites chaque année, et l’un des leaders mondiaux à l’exportation de volaille et de produits élaborés à base de volaille.

Depuis la création de son premier abattoir en Bretagne, en 1955, le groupe fondé par Pierre Doux a connu une forte croissance notamment en rachetant en 1991 la marque Père Dodu au groupe Guyomarch et en s’implantant au Brésil en 1998. Cette époque marquait alors l’apogée de l’entreprise familiale, véritable empire de la volaille industrielle.

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Et puis en juin dernier, le groupe est placé en redressement judiciaire… Les difficultés financières liées à sa filiale brésilienne, la concurrence allemande et néerlandaise, ainsi que les soucis de gestion du PDG Charles Doux ont entrainé le groupe Doux vers l’inéluctable : la décision du tribunal de Quimper le 1er août dernier de liquider le pôle frais de l’industriel de l’agroalimentaire.

Du côté des syndicats, même s’ils n’attendent « plus rien » de la justice quimpéroise, le comité d’entreprise du site de Châteaulin (Finistère) a saisit le procureur de la République par la voix de son avocat, Me Riera, « pour l’alerter sur des faits qui méritent des éclaircissements ». Me Riera expliquait à l’AFP : « il y a un faisceau d’indices tels qu’un endettement extrêmement important depuis plusieurs années, des alertes des commissaires aux comptes restées sans suite ou des versements extrêmement importants de dividendes alors que la société était déjà quasiment en faillite (…) laissant penser qu’il y a pu avoir des fautes de gestion ».

 

Sofiprotéol et LDC se partagent le pôle frais

Le tribunal de commerce de Quimper a rendu son jugement sur les offres de reprise partielle. Et ce sont finalement Sofiprotéol, associé à Duc, et LDC qui héritent de cinq des sites du pôle frais du groupe Doux.

LDC, tout d’abord, l’industriel de l’agroalimentaire leader français de la volaille, obtient les abattoirs de Laval (Mayenne) et de Sérent (Morbihan). Les emplois du premier des deux sites seront conservés, soit 303 emplois, mais seuls 60 salariés sur 175 conserveront leur travail pour le site de Sérent.

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Pour le site de Laval, LDC va y transférer depuis Sérent une activité de volailles entières afin de permettre à cette unité de conserver un niveau d’activité en adéquation avec l’effectif repris.

Concernant le site de Sérent, l’activité sera réorientée vers la fourniture de découpes de poulet à destination des produits élaborés du groupe.

Au total, cinq millions d’euros devraient être investis par LDC, sur trois ans, pour relancer la dynamique industrielle de ces deux sites.

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Du côté de Sofiprotéol, et plus précisément de sa filiale, Glon Sanders, en joint-venture avec Duc, les trois sites repris sont ceux de Blancafort (Cher), où 120 salariés sur 244 conserveront leur emploi, ainsi que Boynes et Amilly (Loiret) avec 80 salariés repris sur 190.

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Dans le cadre de son plan de continuité, Doux reprend le site de Pleucadec (Morbihan), avec 135 salariés sur 395.

Les sites de Graincourt (Pas-de-Calais), abattoir de 253 salariés, La Vraie Croix (Morbihan), siège administratif du pôle frais avec ses 113 salariés, Le Pontet (Vaucluse, 20 salariés) et Champagné Saint-Hilaire (Isère, 15 salariés) n’ont pas trouvé de repreneur. Ils vont donc fermer.

C’est donc environ 700 emplois sur les 1 700 que comptait le pôle frais de Doux (dont plus de 1 500 CDI) qui seront sauvegardés. Bien qu’aucun montant des transactions n’est filtré, le chiffre de 10 millions d’euros par site a été évoqué, en raison de la vétusté des locaux.

 

Filière avicole française, des difficultés connues…

Et pourtant, tout le monde s’accord à dire que les difficultés de la filière avicole française sont connues, depuis longtemps déjà. Seul LDC semble tirer son épingle du jeu.

Confrontée à une concurrence accrue, la production avicole française est en net recul depuis la fin des années 1990 (-20% sur 10 ans). Sur les dix dernières années, elle a baissé à un rythme annuel de 2,3% alors que la production mondiale augmentait de 3,8% par an.

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Interrogé par Usine Nouvelle, Gilles Le Pottier, délégué général du Comité interprofessionnel de la dinde française, expliquait : « L’ambiance qui règne dans le secteur est tendue. Nous importons 42% de nos besoins en volaille contre 10% en 1997. Les Allemands et les Hollandais ont gagné des parts de marché. La filière manque de compétitivité ».

Les élevages français sont en moyenne deux à trois fois plus petits que ceux des Allemands, des Hollandais et même des Anglais. La vétusté des bâtiments d’élevage, qui datent de plus de vingt ans, les professionnels en manque d’argent frais différant les investissements nécessaires, le manque de standardisation des volumes traités dans les usines, etc. sont autant de points noirs qui font qu’aujourd’hui, la filière avicole française est à la traîne, loin derrière ses voisins.

 

Et maintenant, quel avenir pour la filière volaille française ?

L’INRA, avec l’Institut Technique de L’AVIculture (ITAVI), a publié fin 2009 les résultats d’une étude prospective sur l’avenir de la filière avicole française à l’horizon 2025. Parmi les principaux enseignements de cette étude, on retiendra :

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Le handicap lié à la compétitivité du prix : la filière avicole française souffre aujourd’hui d’un déficit de compétitivité en prix par rapport à plusieurs concurrents mondiaux, voire européens. Par suite, toute diminution de la protection tarifaire à l’entrée dans l’Union européenne, sous l’effet d’un accord multilatéral de libéralisation des échanges agricoles à l’OMC ou d’accords bilatéraux de libéralisation avec les pays du Mercosur, aurait pour effets d’augmenter les importations françaises de produits avicoles et de diminuer la production avicole hexagonale.

Un besoin de différenciation : l’avenir de la filière avicole française, en termes de volumes de produits avicoles produits à partir de matière première d’origine nationale, dépend fortement de sa capacité à se protéger et à se différencier de la concurrence étrangère. La protection peut être tarifaire (maintien de droits de douane à l’importation dans l’Union européenne) et non tarifaire (reconnaissance et prise en compte à l’entrée sur le sol communautaire de normes plus sévères en matière d’environnement, de bien-être des animaux ou d’exigences sanitaires).

Une industrie de transformation hexagonale exploitant au mieux les atouts français : l’avenir de l’élevage avicole dans l’hexagone dépend également de la structuration de l’industrie de transformation. De façon simplifiée, cet avenir sera d’autant plus favorable que l’industrie de transformation française (et européenne) optera pour un approvisionnement d’origine domestique. Au-delà des facteurs tarifaires et non tarifaires, cette préférence pour la volaille française suppose que le monde de l’industrie avicole ne soit pas dominé à l’excès par des groupes internationaux non européens, en d’autres termes que des leaders européens, et au minimum un français, aient la capacité de se maintenir, mieux de se développer.

Recherche et développement mobilisés sur la durabilité des systèmes d’élevage : travailler à la définition de systèmes d’élevage plus respectueux de l’environnement au sens large, incluant en particulier la dimension du bien-être des animaux, apparaît comme une nécessité. La recherche et le développement devront être mobilisés pour concevoir des élevages économes en énergies fossiles, exploiter des matières premières pour l’alimentation animale non concurrentes d’usages pour l’alimentation humaine, sélectionner des animaux valorisant au mieux des matières premières aujourd’hui non ou peu utilisées parce que jugées insuffisamment efficaces, réduire au maximum les déjections animales et, simultanément, trouver des moyens de les valoriser, par exemple en exploitant leur potentiel fertilisant dans un contexte de réduction plus que probable des engrais minéraux, objectiver les critères du bien-être animal, etc.

Des politiques publiques renouvelées : des politiques publiques renouvelées, récompensant la protection de l’environnement ou le bien-être animal, accompagneraient utilement cette évolution. A ce titre, l’élevage avicole français gagnerait à ce que les réglementations commerciales internationales intègrent davantage les trois dimensions de l’environnement, du bien-être des animaux et de la sécurité sanitaire. Il gagnerait aussi à un approfondissement du processus de réforme de la Politique agricole commune (PAC) à l’œuvre depuis deux décennies et visant à mieux valoriser les biens environnementaux, le territoire, la qualité au sens large, y compris dans sa dimension sécurité sanitaire, etc. Il gagnerait enfin à une meilleure cohérence de la politique agricole et de la politique nutritionnelle.

 

En attendant, le groupe Doux devra désormais se pencher sur l’avenir de ses autres pôles, l’élaboré et le surgelé, en période de redressement judiciaire jusqu’au 30 novembre. G.T.

ParLa rédaction
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