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La maîtrise des données, le grand défi pour le secteur agroalimentaire

Les grands enjeux émergents et défis du secteur agroalimentaire français évoqués dans le Panorama des industries agroalimentaires 2022, élaboré tous les deux ans*, reposeront sans nul doute sur la maîtrise des données. En effet, comme le souligne le rapport, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de garanties sur les produits qu’ils achètent et les industries agroalimentaires (IAA) …

La maîtrise des données, le grand défi pour le secteur agroalimentaire
«La phase actuelle de numérisation des entreprises agroalimentaire fait suite à la généralisation de l’automatisation des chaînes de production, achevée sauf dans quelques fonctions comme celle de la découpe dans l’industrie de la viande, pour des raisons de barrières technologiques non encore levées. Les enjeux actuels portent principalement sur la connectivité des usines avec leur environnement (clients fournisseurs, autres sites industriels) qui passe notamment par l’intégration de l’informatique dans la production et la gestion et le traitement des données (pour l’optimisation des process déjà automatisés)», explique l’étude.

Les grands enjeux émergents et défis du secteur agroalimentaire français évoqués dans le Panorama des industries agroalimentaires 2022, élaboré tous les deux ans*, reposeront sans nul doute sur la maîtrise des données. En effet, comme le souligne le rapport, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de garanties sur les produits qu’ils achètent et les industries agroalimentaires (IAA) doivent innover pour répondre au mieux à ces questions.

Les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de garanties sur les produits qu’ils achètent et les industries agroalimentaires (IAA) doivent innover pour répondre au mieux à ces questions. «Les préoccupations des consommateurs sont de plusieurs ordres, sans tendance unique, chacun privilégiant un ou plusieurs axes : caractéristiques nutritives, garantie de qualité de fabrication, origine (multiplication des produits vantant la proximité vis-à-vis des consommateurs), bonnes conditions d’élevage, respect de l’environnement, lutte contre le réchauffement climatique, rémunération des agriculteurs. Les choix de chaque consommateur peuvent varier dans le temps et même d’un acte d’achat à l’autre», souligne l’étude.

Des garanties sur les produits

Les consommateurs utilisent en effet de plus en plus leurs téléphones mobiles et les entreprises doivent pouvoir faire face à ces nouvelles demandes d’information. La diffusion d’applications d’aide à l’achat comme BuyorNot, Ethic Advisor, Etiquettable, Is My Food Good, My Food Story, myLabel, Open Food Facts, Scan Eat, ScanUp, Yuka, témoigne de la vitalité de l’offre mais aussi de la forte demande de la part du public. Chacune de ces applications possède son propre moteur de choix, prenant en compte des critères éventuellement différents et appliquant ses propres méthodes de calcul, selon ses propres objectifs, ce qui peut être une limite à la transpa- rence souhaitée par les consommateurs. Certaines démarches collectives, indépendamment de la fourniture ou non d’une application, s’appuient sur des associations de consommateurs, qui participent à la notation voire à la conception des produits (par exemple : C’est qui le patron?!). Par ailleurs, la question de la propriété et de la sécurisation des données sur la recherche d’informations ou les achats en ligne, de leur valeur pour la filière et de leur rémunération éventuelle est déjà posée.

Une demande croissante de traçabilité

«Face à cette demande croissante de traçabilité et de garantie, la maitrise des données par les entreprises est la clé de leur maintien sur certains marchés, voire d’un avantage concurrentiel par l’utilisation innovante qu’elles seront capables d’en faire. Pour discuter de la pertinence des critères pour chacun des acteurs de la filière et des consommateurs, disposer de données comparables, réplicables, reproductibles et agrégeables tout au long de la filière devient un enjeu essentiel. D’importants projets sont en cours de structuration et de développement pour faciliter les échanges de données de l’exploitation agricole jusqu’aux consommateurs, en passant par l’entreprise de collecte, de transformation et de distribution», commente le rapport.

Le premier axe est de garantir aux consommateurs le caractère incontestable des informations qui lui sont remontées. De nombreuses entreprises utilisent leurs propres infrastructures de données ou se tournent vers des technologies type blockchain, qui proposent en temps réel une fonction de tiers de confiance par rapport à la véracité des informations présentes sur les étiquettes de produits ou fournies par des moyens électroniques. La notion de véracité des informations concerne toute la chaîne de valeur et a comme conséquence des travaux coopératifs sur le développement des échanges d’information entre chacun des maillons de la filière.

«Une autre illustration de ces enjeux concerne l’affichage environnemental prévu par la loi Climat & résilience d’août 2021. Une première version de celui-ci est en cours de mise en place, en s’appuyant sur la base Agribalyse de l’Agence de la transition écologique (ADEME) qui utilise la méthodologie de l’analyse en cycle de vie (ACV) des produits alimentaires. Aujourd’hui ces ACV sont réalisées sur la base de données d’enquête qui seront segmentées progressivement pour permettre de mieux tenir compte de la diversité des produits alimen- taires, bruts ou transformés, offerts aux consommateurs. Mais cette segmentation pourrait arriver rapidement à des limites, notamment avec les comparaisons à l’intérieur d’une même catégorie de produits ou si l’on cherchait à doter l’ensemble des démarches d’évaluation environnementales (affichage environnemental, écoconception et démarches de progrès diverses) d’un référentiel unique permettant de les rendre mutuellement compatibles», explique l’analyse.

Mettre à disposition des consommateurs des informations fiables et transparentes

Pour enrichir et préciser les informations accompagnant les produits et soutenir des allégations commerciales ou réglementaires (Nutriscore, impacts environnementaux) les industriels et les distributeurs vont souhaiter pouvoir récupérer des données de l’amont agricole. Le prochain règlement européen appelé Data Governance Act, institue un nouveau type d’opérateur appelé les services d’échanges de données (data intermediation services) et va accélérer les possibilités d’échange de l’amont à l’aval de la filière. La France est déjà positionnée sur ce sujet avec la création en janvier 2020 de la société Agdatahub, qui offre un service d’échanges de données basé sur une plateforme d’échange et une brique de consentement.

Le projet de Data Governance Act, en cours de discussion à l’échelle européenne, sti- pule que les données acquises notamment par les objets connectés devront dorénavant être facilement disponibles pour les producteurs. Ainsi, toute donnée acquise par une moissonneuse batteuse ou une machine de traite devra pouvoir être mise à disposition de l’exploitant qui pourra lui-même la transférer aux acteurs de l’aval qu’il aura désignés. Les entreprises de l’aval profiteront certainement de ces dispositions, qui les concernent aussi pour leurs propres données.

Pour les produits transformés, dans le prolongement des États généraux de l’alimentation de 2017, la filière agroalimentaire s’est engagée dans la transition numérique et la maîtrise des données d’information sur les produits en développant Num-Alim, une plateforme numérique de l’alimentation. Celle-ci met notamment l’accent sur la fiabilité des données à destination du public, notamment sur les allergènes. Ce projet de plateforme numérique sur les produits alimentaires doit remplir les missions suivantes : collecte de données sur les produits ; contrôle et fiabilisation de la qualité de ces données ; appui aux entreprises pour la maitrise de leurs don- nées produit et formation  et favorisation des échanges de données relatives à l’alimentation. Le projet Num-Alim est porté par une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) dont l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), La Coopération Agricole et la Fondation Avril sont les pre- miers actionnaires, rejoints depuis par plusieurs entre- prises de toute taille. Il est soutenu par Bpifrance, au titre du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3) à hauteur de 3 millions d’euros. Il est inscrit au Contrat stratégique de la filière agroalimentaire.

Fruit d’une initiative privée, la plateforme Alkemics, aujourd’hui propriété de l’américain Salsify, propose une voie différente, rendant possible le partage des données produits de marque à distributeur, sans détention de ces données dans une base unique.

La volonté des filières de mettre à disposition des consommateurs des informations fiables et transparentes sur l’origine et les conditions de production des denrées alimentaires donne lieu à de nouveaux développements. En effet, les exigences de traçabilité liées à la santé et à la sécurité des aliments sont aujourd’hui largement rem- plies par les IAA françaises. Pour l’entreprise, les enjeux de la qualité et de la traçabilité s’expriment désormais en termes de diffé- renciation des produits par la qualité, dans une relation de confiance avec les consom- mateurs. Le pari de la traçabilité est de faire porter à chaque produit la preuve de la véracité des allégations affichées, qu’elles portent sur la composition, les modes de production ou les paramètres liés à la protection de l’environnement. Les solutions techniques, dont la blockchain, qui propose en temps réel une fonction de tiers de confiance par rapport à la véracité des informations présentes sur les étiquettes des produits, se développent pour rendre cette transparence maximale. Cette notion de véracité des allégations concerne toute la chaîne de valeur, elle a comme condition des travaux coopératifs sur le développement des échanges d’information entre chacun des maillons de la filière.

Quid de la traçabilité blockchain ?  

Le développement de nouveaux services de traçabilité dans l’agroalimentaire fait très souvent référence à la technologie blockchain. Celle-ci, révélée en 2009 avec l’apparition du bitcoin (monnaie virtuelle cryptographique), a apporté une nouvelle conception des flux monétaires et plus largement du partage d’information.

Cette technologie, assimilable à un registre ou une base de données partagée, repose sur un système de cryptage et d’archivage réparti, dans laquelle chaque nœud détient en temps réel la même information que tous les autres, ce qui rend les données stockées infalsifiables. La véritable innovation de la blockchain ouverte à tous (publique) réside dans l’absence d’organe régulateur. Les informations échangées sont vérifiées par les pairs avant d’être archivées à vie. Cependant, la structure décentralisée de cette technologie pose des questions juridiques sur ses applications à la traçabilité et à la logistique notamment sur la véracité des données transmises et les responsabilités engagées en cas d’erreur sur les données. Mais il existe aujourd’hui des blockchains privées, qui utilisent les mêmes technologies, avec des architectures différentes, centrées sur l’en- treprise ou le groupe d’entreprises qui les mettent en place et comportent moins de nœuds.

La dimension de tiers de confiance est affaiblie, mais la facilitation des échanges et du partage d’information en temps réel est présente à l’intérieur d’une chaine fonctionnelle. Pour valoriser le positionnement favorable de la France dans cette technologie clé (excellence de la recherche et foisonnement de startups nées autour d’innovations), la stratégie nationale de la France en matière de blockchain a été lancée en juillet 2019. Elle s’appuie sur un regroupement d’expertise privée et publique, et sur des financements dédiés via le Programme d’investissements d’avenir (PIA 3), ainsi que sur une mission prospective menée conjointement par le CEA, l’IMT (Telecom ParisTech) et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) qui a dressé début 2020 un état des lieux de la maturité de ces technologies. Selon son diagnostic, les usages de registre (ou notariaux), sont aujourd’hui globalement matures, alors que les usages plus complexes à forte valeur ajoutée (contrats intelligents avancés, places de marché, applications autonomes impliquant l’intelligence artificielle) nécessitent encore la levée de verrous technologiques majeurs.

La connectivité des usines avec leur environnement

«La phase actuelle de numérisation des entreprises agroalimentaire fait suite à la généralisation de l’automatisation des chaînes de production, achevée sauf dans quelques fonctions comme celle de la découpe dans l’industrie de la viande, pour des raisons de barrières technologiques non encore levées. Les enjeux actuels portent principalement sur la connectivité des usines avec leur environnement (clients fournisseurs, autres sites industriels) qui passe notamment par l’intégration de l’informatique dans la production et la gestion et le traitement des données (pour l’optimisation des process déjà automatisés)», explique l’étude.

Selon les éléments d’analyse détenus par les pouvoirs publics concernant les secteurs de la transformation des viandes, du lait et des céréales, les enjeux actuels de l’adoption de ces technologies par les entreprises sont : une efficience accrue des chaines de production (2 à 15% de gain de productivité grâce à la numérisation) et la limitation des pertes liées à la non-qualité et de matière première agricole (2 à 5% de gain grâce à la numérisation, alors que les coûts de matière première représentent 70 % de ceux du produit fini). En 2020, les entreprises agroalimentaires ont davantage recours aux objets connectés que l’ensemble de l’industrie manufacturière (15 % contre 10 %). Il en est de même pour le recours aux technologies d’analyse de données massives (Big data) : 21% contre 15%. La robotisation permet des gains de productivité importants dans certaines fonctions (emballage), une plus grande réactivité dans la gestion des stocks (gestion intégrée de la sortie de chaine et de l’expédition avec les transtockeurs) et une diminution de la pénibilité. Enfin, d’autres développements majeurs en cours sont le pilotage par la demande et la traçabilité. 19 % des entreprises agroalimentaires ont utilisé en 2020 des robots industriels ou de service. Cette part est un peu plus élevée dans l’industrie manufacturière (23 %).

L’enquête montre que les conditions économiques actuelles limitent les décisions aux investissements dont le retour sur investissement est inférieur à trois ans. Les politiques publiques d’aide à l’investissement immatériel et matériel répondent donc à un enjeu très net de réassurance et d’accélération des processus.

(SOURCE : PANORAMA DES IAA 2022) * par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) en collaboration avec le service de la statistique et de la prospective, la direction générale de l’enseignement et de la recherche, la direction générale de l’alimentation, la direction de la communication et les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire)

ParLa rédaction
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