Etiquetage des produits aquatiques : La nécessité d’une plus grande communication dans la filière
Réalisée par le groupement Mer Conseil – Odyssée Développement, cette étude a pour objet d’analyser la mise en oeuvre française de la réglementation européenne sur la traçabilité et les obligations d’étiquetage des produits aquatiques et de ses mises à jour. Elle a été commandée par FranceAgriMer, établissement national dont les missions consistent à favoriser la concertation au sein des …
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Réalisée par le groupement Mer Conseil – Odyssée Développement, cette étude a pour objet d’analyser la mise en oeuvre française de la réglementation européenne sur la traçabilité et les obligations d’étiquetage des produits aquatiques et de ses mises à jour.
Elle a été commandée par FranceAgriMer, établissement national dont les missions consistent à favoriser la concertation au sein des filières de l’agriculture et de la mer, à assurer la connaissance et l’organisation des marchés, et à gérer des aides publiques nationales et communautaires.
Identification des points de blocage
Le but de cette étude est de réaliser un état des lieux des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du règlement OCM UE1379/2013 (Chap. IV) et d’évaluer les impacts qui en découlent sur les activités professionnelles. Dans ce cadre, des représentants de tous les acteurs de la filière poissons ont été interrogés (pêcheurs, agents de criée, mareyeurs, poissonniers et grande distribution, organisations et associations de professionnels et de contrôle), et ce sur les façades atlantiques et méditerranéennes.
Enfin, ce travail propose des solutions applicables aux différentes échelles et opérateurs sur le marché national. Aussi, cette expertise propose l’identification des situations où l’application de cette réglementation n’a pas posé de problème, ainsi que l’identification des points de blocage.
Ces barrières ont été diagnostiquées en fonction des circuits d’approvisionnement, des circuits de distribution, de la taille des opérateurs, mais aussi de l’échelle géographique. Cette étude propose l’identification des causes de non‐respect de la réglementation et des stades d’apparition de perte d’information. Enfin, cette recherche étudie les coûts afférents à la mise en œuvre du nouvel étiquetage.
Viser une meilleure information du consommateur
L’ensemble des règles communes aux pays de l’Union européenne, connues sous le nom d’«Organisation Commune des Marchés» (OCM), a récemment précisé au chapitre IV du règlement 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil, les informations devant être fournies aux consommateurs sur les produits issus de la pêche et de l’aquaculture.
A savoir le nom de l’espèce et sa dénomination latine ; La zone et la sous‐zone de capture pour les produits de la pêche et le pays pour les
produits de l’aquaculture ; Son procédé de production : pêché ou élevé ; L’engin de capture pour les produits de la pêche ; La mention « décongelée » si c’est le cas.
Ces modifications des règles d’étiquetage, qui visent une meilleure information du consommateur, répondent notamment à une incompréhension de la zone de capture FAO (par exemple «Atlantique Nord Est») et à une volonté d’ajouter des informations dès lors qu’elles sont tracées, dont l’engin de capture.
1 étiquette sur 5 de produits alimentaires serait incorrecte
La revue bibliographique a montré que peu d’études se sont consacrées à la mise en œuvre de la réglementation Organisation Commune des Marchés.
Selon un reportage réalisé en 2016 en Belgique par la RTBF, 1 étiquette sur 5 de produits alimentaires serait incorrecte. En France, d’après les contrôles de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes auprès de poissonniers, détaillants et de la grande distribution, environ 50% des étals présentaient des non‐conformités en 2016.
L’Eurobaromètre réalisé en 2016 par l’observatoire spécialisé EUMOFA montre qu’à l’échelle européenne les informations sur l’étiquetage, concernant les engins de capture utilisés, ne sont considérées comme « importantes » que par 44% des consommateurs. A contrario la date de capture, qui n’est pas une information requise sur l’étiquetage, est considérée comme « importante » par plus de 50% des consommateurs.
Dès la production, une perte d’informations est constatée
La méthodologie utilisée dans le cadre de la présente expertise a eu pour point de départ la sélection d’un échantillon représentatif d’acteurs de la filière des produits aquatiques en France. Le comité de pilotage du projet a validé la sélection d’un panel de professionnels de tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que des organisations et associations professionnelles, afin de croiser les regards et les analyses. Des entretiens individuels d’une durée moyenne de 30 minutes ont été menés sur la base d’une grille d’entretien‐type. Les résultats ont été étudiés avant la phase d’étude des solutions existantes pour mener vers des propositions d’amélioration.
« Les pêcheurs n’ayant pas d’obligation formelle de transmission de leurs données de pêche aux halles à marée ou au 1er acheteur (dans le cas de vente de gré à gré), c’est dès la production que nous constatons une perte d’informations. Ainsi les halles à marée ont‐elles, par leurs données initiales sur les navires complétées par les données des organisations de producteurs, réalisé un fichier préenregistré avec modification possible des critères. La modification de critère pour coller à la réalité de l’engin de pêche utilisé et/ou la sous zone de capture ne se fait que par transmission orale entre les producteurs et les agents de criée, ou par interprétation de ces derniers (cas des navires polyvalents et de pêche sur plusieurs sous zones) » explique l’étude.
De fait, l’amont de la chaîne peut transmettre des informations approximatives, voire erronées. Ajoutons à cela, que toutes les halles à marée ne disposent pas encore d’un système de traçabilité adaptés aux dernières normes, que les étiquettes de lots sont peu ou prou toutes différentes entre criées, et l’on comprend qu’il est difficile pour le premier acheteur de compiler ces informations, particulièrement quand il achète sur plusieurs criées.
L’étiquette, premier outil de traçabilité
Ce premier acheteur est aussi confronté au mode de transmission de l’information. L’idéal serait qu’il puisse la recevoir dès l’acte d’achat, car la livraison des lots peut s’effectuer plusieurs heures après l’achat. L’étiquette, premier outil de traçabilité, n’indique pas toujours l’ensemble des données règlementaires en toutes lettres. Elles sont soit accessibles via un code (majoritairement QR code), soit indiquées sur le bon de livraison ou la facture. Les premiers acheteurs n’ont, pour la plupart, pas de lecteur de code, ils reçoivent souvent le bon de livraison ou la facture après la réception des lots. Ils ne peuvent donc matériellement créer des numéros de lot cohérents, saisissant les achats à partir des bons de livraison. Cette diversité des outils de traçabilité et les modes de diffusion de l’information aux premiers acheteurs ne font qu’ajouter des obstacles à la transmission de l’information tout au long de la chaine.
Les poissonniers, détaillants et de la grande distribution, ne peuvent retranscrire que l’information reçue. Les premiers acheteurs ont l’autorisation, dès lors qu’ils assemblent différents lots, d’indiquer plusieurs engins de capture ou plusieurs sous‐zones. Cette pratique devient la norme et les poissonniers ne s’étaient pas préparés à une telle situation. Les pics prix « à roulettes » ne permettent pas l’indication de plusieurs engins et sous‐zones. Par ailleurs, cette information diffuse est d’un intérêt limité pour le consommateur.
Pour les produits d’importation intra‐européenne, la situation est diverse
En Espagne, bien que le système de traçabilité soit perfectible, les informations règlementaires sont transmises. En effet, les pêcheurs transmettent souvent leur logbook aux criées. Pour le Royaume‐Uni, la situation est toute autre. La filière ne considère pas les informations règlementaires pertinentes et la quasi‐ absence de halles à marée assurant un tri et une vente des lots ne permet pas une transmission sûre et transparente des informations. Sur demande des clients, des informations sont transmises, mais dont la fiabilité n’est pas assurée. Selon les professionnels interrogés, aucun contrôle n’est assuré par les autorités. Pour les pays du Nord de l’Europe, même si la filière ne considère pas non plus les informations règlementaires comme pertinentes, leur transmission est assurée.
Des solutions existent
L’information amont peut être approximative ou erronée, les outils de traçabilité sont très divers et rendent difficile une compilation en temps et en heure pour les premiers acheteurs. De fait l’information des consommateurs est tout autant approximative ou erronée. Pourtant certaines halles à marée et certains premiers acheteurs y arrivent. Les criées majoritairement approvisionnées par des pêches côtières et ayant une flottille qui ne pêche que sur une seule sous‐ zone sont gagnantes.
Bien que certaines criées ne soient pas encore aux normes elles sont en cours d’installation de systèmes de traçabilité performants. Certains premiers acheteurs se dotent d’outils de lecture de codes, ou de balances « intelligentes » en attente d’une possible collecte dématérialisée des informations. Des poissonniers ont développé des outils de réédition des informations transmises par le fournisseur et apposent cette nouvelle étiquette sur un pic‐prix.
Des solutions existent donc, mais pour les développer plus largement, une certaine normalisation s’impose en amont afin de réduire les coûts induits dans les entreprises.
Les bonnes pratiques proviennent d’organisations à but non lucratif
L’étude de benchmarking auprès de pays hors Union Européenne (Etats‐Unis et Canada) ne permet pas de dégager de perspectives directement transposables en l’état. Les règles imposées en matière d’étiquetage sont inférieures à celle de l’Europe: nom commun, méthode de production (pêché ou élevé) aux USA et pays de transformation ou de traitement. Les bonnes pratiques proviennent d’organisations à but non lucratif comme « GS1 global » aux USA ou « ThisFish » au Canada, ou d’initiatives d’entreprises souhaitant valoriser leur savoir‐faire.
Un décalage d’attentes des opérateurs sur les mentions d’étiquetage
Après étude des filières, bovine et des tomates, on constate une situation quelque peu similaire à la filière pêche quant à l’application des normes d’étiquetage. En effet, la grande distribution applique sans trop de difficulté la norme, mais les artisans préfèrent des mentions plus valorisantes par rapport aux informations considérées «génériques» (nature du produit – type commercial – pays – catégorie). Il y a un décalage d’attentes des opérateurs sur les mentions d’étiquetage à transmettre au consommateur et une volonté des artisans de se distinguer de la grande distribution. On retrouve cette même problématique pour les produits de la pêche. La filière bovine, confrontée à la crise de la vache folle, est pionnière dans le développement d’un système de traçabilité poussé jusqu’à l’individu.
La France est aussi le pays où l’information du consommateur est la plus étoffée, et nombre de mentions facultatives sont utilisées comme le type d’animal (races, à viande, laitière et mixte). Cette filière confrontée à une concurrence intra‐ et extra‐européenne considère le développement de l’information consommateur comme un atout pour la filière française. Ce n’est pas encore l’état d’esprit général dans la filière des produits de la pêche, malgré la création de la marque Pavillon France.
De ce benchmarking, nous pouvons retirer des leçons sur les erreurs à ne pas commettre et la nécessité d’une plus grande communication dans la filière. Le partage d’un objectif commun pour l’information des consommateurs n’est actuellement pas suffisamment partagé.
Quelles solutions…?
« Face au défaut de partage d’un objectif commun pour l’information du consommateur, il est nécessaire de développer des modules de formation pour les professionnels afin que tous aient le même socle de compétences en matière de connaissance des engins de capture et des sous‐zones de pêche. Il s’agit de donner du sens à l’information. Il s’agit aussi de développer des outils de sensibilisation des consommateurs afin qu’ils puissent appréhender le fonctionnement de cette filière si particulière, car les produits de la pêche sont les seuls aliments de grande consommation issus d’une capture en milieu naturel » analyse l’étude.
D’un point de vue pratique, il s’agira de développer des bases de données mutualisées pour permettre une transmission dématérialisée de l’information. Une standardisation des étiquettes criée pour la lecture des informations (toutes lettres, code, position sur l’étiquette) est également souhaitable. En complément, un groupe de travail étendu sur le programme de traçabilité SALTO mis en œuvre par la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture pour le contrôle des pêches pourrait être une source de développement de solutions matérielles partagées pour les différents maillons de la filière.
«Des solutions techniques existent d’ores et déjà, des perspectives plus collectives sont envisageables, il s’agit de trouver le cadre de partage des expériences et compétences afin de rationaliser les coûts de mise en œuvre de l’étiquetage consommateur» conclut cette étude.
(Source : FranceAgrimer)