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Agroalimentaire : quel froid pour le futur ?

L'utilisation du froid reste indispensable dans l'agroalimentaire. Mais les technologies utilisées doivent évoluer pour faire face aux défis du futur et s'adapter au développement durable.

Agroalimentaire : quel froid pour le futur ?
60 % de notre alimentation est réfrigérée et le respect de la chaîne du froid est primordial pour la conservation de la plupart des aliments.

La température a beau atteindre des sommets en ces mois ensoleillés, dans l’agroalimentaire, le thermomètre ne grimpe pas. C’est un élément primordial pour la conservation des aliments. Plus de 90 % de la sûreté alimentaire repose en effet sur le secteur du froid. Près de trois millions de décès seraient liés au froid dans le monde tous les ans.

De plus, 23 % des pertes de nourriture dans les pays en développement – contre 9 % dans les pays développés- sont dues au manque de froid, sans compter le gaspillage des consommateurs. Le froid artificiel, apparu au 19e siècle, a donc une place considérable dans l’industrie agroalimentaire. Une place qui tend d’ailleurs à s’accroître toujours plus.

Le froid durable : une priorité de l’agroalimentaire français

60 % de notre alimentation est aujourd’hui réfrigérée. Le froid est une nécessité pour le stockage, le transport et la commercialisation des denrées alimentaires. En France, entre 8 000 et 9 000 super et hypermarchés détiennent un système réfrigérant et 160 000 commerces alimentaires de détail ou de proximité.

La France a ainsi fait du froid du futur l’une de ces priorités. En effet, dans le cadre des 34 plans pour la Nouvelle France industrielle, l’agroalimentaire a défini cinq axes stratégiques, parmi lesquels, le développement du froid durable. 530 projets de « produits innovants pour une alimentation sûre, saine et durable » ont été recensés et le comité de pilotage va désormais devoir faire sa sélection.

Améliorer l’impact environnemental du froid

L’enjeu principal du froid dans les années et les décennies à venir sera de maintenir, voire d’améliorer les performances des systèmes réfrigérants tout en réduisant leur impact sur l’environnement. Ces systèmes sont en effet de gros consommateurs d’électricité. 15 % de l’électricité mondiale sert au froid. Et en France, il englobe près de 10 % de la consommation électrique. Cette forte consommation participe à l’effet de serre. De plus, avec la hausse du prix de l’électricité, les industriels tentent de plus en plus de réduire leur facture énergétique. Enfin, dans certaines région du monde – principalement dans les pays en développement mais aussi en Californie par exemple- les infrastructures énergétiques sont encore insuffisantes, ce qui peut être la cause de pannes plus ou moins fréquentes.

L’impact des systèmes de froid sur l’environnement est aussi dû aux fuites des fluides utilisés pour transporter la chaleur dans les systèmes. Ces fuites sont la conséquence de problèmes de joints, d’erreurs de maintenance ou encore de problèmes de gestion de la fin de vie des équipements. Au final, les pertes peuvent grimper jusqu’à 15 % à 20 % par an, par charge initiale.

Les fuites de fluides frigorigènes

Ces fuites sont problématiques car les fluides sont polluants et jouent à la fois sur la couche d’ozone et sur le réchauffement climatique. Dans les années 1930, lorsque les fluides ont commencé à être utilisés, il s’agissait de chlorofluorocarbures (CFC). Sont ensuite apparus les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), et plus récemment, les hydrofluorocarbures (HFC), qui ne contiennent pas de chlore, les industriels ayant réalisé entre temps l’impact négatif des produits chlorés sur la couche d’ozone. Raison pour laquelle, pays développés et en développement ont signé en 1987 le protocole de Montréal. Tous les produits chlorés seront ainsi interdits d’ici 2020 dans les pays développés et dix ans plus tard dans les pays en développement.

Si les HFC, introduits plus tard, ont un impact moindre sur la couche d’ozone, ils ont au final des conséquences aussi néfastes que les autres sur le réchauffement climatique. « L’accroissement des HFC pourrait annuler les bienfaits pour le climat du protocole de Montréal », estime Didier Coulomb, directeur de l’Institut International du Froid.

Une révision de la réglementation européenne

C’est pourquoi une nouvelle révision de la réglementation vient d’être mise en place, dans l’Union européenne. En décembre 2013, Bruxelles a décidé d’instaurer une réduction progressive (« phase down ») de 79 % des HFC d’ici 2030. Ce texte devrait entrer en vigueur début 2015. Il prévoit qu’à partir de 2020, l’utilisation de fluides HFC les plus polluants seront interdits dans les équipements neufs. Certains équipements seront concernés dès 2015.

Si les pays de l’Union européenne sont satisfaits d’avoir enfin trouvé une accord sur la question, les industriels auraient souhaité bénéficier de plus de souplesse encore pour appréhender cette transition. Et nombre de petites entreprises sont en fait mal informées sur la question.

Des fluides naturels moins polluants

Il existe pourtant des alternatives au système actuel de cycle à compression de vapeur. S’il est polluant, ce dernier a l’avantage d’être très efficace, d’avoir un coût limité et de reposer sur une technologie parfaitement maîtrisée. D’autant que l’adoption d’alternatives nécessite la prise en compte de leur efficacité énergétique, de leur coût et de leur sécurité.

Ainsi, si on ne peut parler d’une fin de règne du cycle à compression de vapeur, des alternatives se développent de plus en plus, sous la pression des contraintes environnementales. Il existe tout d’abord des fluides dits naturels, tels que l’ammoniac, les hydrocarbures, l’air, l’eau, etc. Ils sont en fait utilisés depuis près d’un siècle, mais certains d’entre eux sont toxiques et inflammables et sans une évolution de la législation, leur développement en tant qu’alternative au cycle de compression de vapeur semble compromis.

Le froid magnétique : une technologie d’avenir

Il existe également des HFC à faible effet de serre et de nouveaux fluides devraient par ailleurs être développés dans les années à avenir. Il est également possible de réduire la quantité de fluide utilisée dans les systèmes frigorigènes. « Avec des échangeurs à minicanaux, il serait par exemple possible de réduire de 60 % à 70 % la quantité de fluides nécessaires », précise Denis Leducq, ingénieur de recherche à IRSTEA. Ces technologies, bien qu’encore émergentes permettraient de conserver les performances thermiques et systèmes frigorigènes.

Mais il existe également des systèmes qui ne nécessitent pas du tout l’utilisation de fluides. Le plus prometteur de tous est celui qui repose sur le froid magnétique. Le principe : la désaimantation d’un métal paramagnétique. En d’autres termes : certains métaux s’échauffent lorsqu’ils sont placés dans une charge magnétique et refroidissent lorsqu’ils sont désaimantés. Cet effet peut être utilisé pour transporter la chaleur. « C’est une technologie qui a beaucoup d’avenir, explique Denis Leducq. Et qui a l’avantage d’être aussi efficace que la compression de vapeur. On commence à en voir les applications. » Un réfrigérateur magnétique est notamment en cours de prototypage.

Les alternatives à la compression de vapeur

Une autre piste à explorer est le froid thermoacoustique. Il requiert l’utilisation d’un gaz pour transporter la chaleur, qui va être compressé, puis détendu, ce qui aura pour effet de le réchauffer puis de le refroidir. Cette technologie fait l’objet de recherches depuis une dizaine d’années environ. Mais elles pourraient ne pas aboutir car le rendement reste faible.

Autre technologie : le cycle à air fermé. Il implique l’utilisation d’air à la place du fluide. L’avantage de cette technologie est son caractère très peu polluant. Ces machines servent en fait à produire du froid à très basse température et du chaud à très haute température. Ses applications ne pourraient donc être que très spécifiques.

Le solaire comme solution au froid

Pour solutionner les problèmes de consommation d’énergie des système frigorigènes, des machines à énergie solaire sont développées. Cette énergie peut être utilisée sous forme électrique ou thermique. « L’énergie solaire thermique est très intéressante car elle permet de produire du froid à partir du chaud, explique Denis Leducq. Elle devrait être davantage exploitée dans le futur. » D’autant que des solutions de stockage devraient de plus en plus se développer pour régler la question de l’intermittence de cette énergie. L’avenir du photovoltaïque est plus incertain, mais les difficultés qu’il pose ne sont pas propres au système de froid : la surface requise pour obtenir l’énergie nécessaire est importante, le coût est encore élevé et les bilan carbone des panneaux peut poser problème.

Enfin, une solution qui pourrait trouver des applications en particulier dans les pays en développement : l’adsorption. Ce phénomène endothermique consiste en la désorption de chaleur par un solide. Il peut se combiner avec l’énergie solaire si bien que lorsque les capteurs sont ensoleillés, l’énergie est absorbée et du froid est produit le reste du temps. Une technologie qui pourrait s’avérer utile dans les régions du monde où l’accès à l’électricité vient parfois à manquer.

Conserver les aliments sans froid

Par ailleurs les industriels se penchent également sur le développement de matériaux disposant de propriétés thermiques, pour conserver la fraîcheur plus longtemps par exemple.

Enfin, il ne faut pas non plus oublier que de nombreuses techniques permettent également de conserver les aliments sans pour autant utiliser le froid, ou en l’utilisant moins. Les emballages intelligents, actifs, sous vides ou contenant des nanocomposants font partie de ces solutions. La transformation des aliments (cuisson, fermentation, changement de structure) également. On peut enfin citer la pasteurisation, la stérilisation, ou des solution athermiques telles que la haute pression, les champs électriques pulsés ou encore la formulation des aliments, qui peuvent améliorer les conservations des denrées alimentaires.

ParLa rédaction
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