Sale temps pour les OGM
Après la publication d'une étude attestant de la toxicité d'un maïs OGM sur les rats, il est plus qu'essentiel de relancer les recherches sur les semences génétiquement modifiées.
Après la publication d’une étude attestant de la toxicité d’un maïs OGM sur les rats, il est plus qu’essentiel de relancer les recherches sur les semences génétiquement modifiées.
« Oui, les OGM sont des poisons. » C’est par ces mots que Le Nouvel Observateur a déclenché le scandale en France le 20 septembre dernier. La veille, la revue « Food and Chemical Toxicology » publiait les résultats de l’expérimentation la plus complète jamais menée sur des semences OGM. Dirigée par le professeur français de biologie moléculaire à l’Université de Caen, Gilles-Eric Séralini, elle atteste des effets désastreux que peut avoir le maïs NK 603, commercialisé par la filiale Monsanto, sur les rats et pose de sérieuses questions sur les effets qu’il pourrait provoquer chez l’homme. Pendant deux ans, les chercheurs ont soumis 200 rongeurs à différents menus composés de maïs génétiquement modifié et/ou d’eau contaminée au Roundup, l’herbicide commercialisé par Monsanto et sûrement le plus utilisé au monde. « C’était une hécatombe parmi nos rats, dont je n’avais pas imaginé l’ampleur », a confié le professeur Séralini au Nouvel Observateur.
« Le thème de la santé qui prend le dessus »
De façon générale, les rats nourris au maïs génétiquement modifié déclenchent deux à trois fois plus de tumeurs que les rongeurs alimentés au maïs sans OGM. À partir du 24ème mois de l’étude (Ndlr : un rat vit deux ans en moyenne), 50 % à 80 % des femelles nourries aux OGM en présentent alors qu’elles ne sont que 30 % à être touchées au sein du groupe astreint à un menu composé de maïs classique. Alors que ces-dernières souffrent principalement de tumeurs mammaires, chez les mâles, ce sont les foies et les reins qui sont atteints. Des résultats alarmants et qui ont fait réagir la majorité. « S’agissant des OGM, la publication d’une étude par des chercheurs français mettant gravement en cause l’innocuité à long terme du mais transgénique NK 603 a provoqué la saisine immédiate par le gouvernement de l’agence de sécurité sanitaire et la demande acceptée aussitôt par l’autorité européenne de sécurité des aliments », a déclaré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, cité par l’AFP lors d’un déplacement à Dijon le 20 septembre dernier.
D’autres voix se sont élevées parmi les politiques dont celle de l’ex-ministre de l’Écologie, Corinne Lepage. Membre du Criigen (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) aux côtés du professeur Séralini, et première vice-président de la commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire au Parlement européen, elle n’a pas attendu pour interpeler les agences sanitaires communautaires et nationales, ainsi que les institutions de l’Union. « Pour une fois avec cette étude, c’est le thème de la santé qui prend le dessus et la recherche est du côté des scientifiques et des citoyens qui s’interrogent sur la toxicité des OGM. Et il y a urgence », écrit Corinne Lepage sur le site Atlantico.fr. Et de rappeler que le Conseil d’État avait suivi les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) invalidant de fait la décision du gouvernement Fillon de ne pas accepter le maïs MON 810, lui aussi commercialisé par Monsanto, en France. « Les juges ont estimé que le ministère de l’Agriculture n’avait pas pu ‘apporter la preuve de l’existence d’un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou pour l’environnement’. »
S’ils ne démontrent pas que les OGM ont des conséquences désastreuses pour l’homme, les conclusions de l’expérimentation menée par le professeur Séralini inquiètent néanmoins quant à l’éventuelle toxicité des organismes génétiquement modifiés. Deux d’entre eux sont autorisés en Europe, le maïs MON 810 et la pomme de terre Amflora de Bayer. Et même si la France fait partie des États qui ne veulent pas de ces semences sur leurs territoires – avec l’Autriche, la Hongrie, le Luxembourg, la Grèce et l’Allemagne –, deux tiers des importations de soja dans l’Hexagone sont des OGM utilisés pour nourrir le bétail. À l’arrivée, il est tout à fait possible de retrouver leurs traces dans la viande, le lait ou encore les œufs.
Auchan et Carrefour, des précurseurs ?
À l’échelle globale, le marché est énorme : 160 millions d’hectares d’OGM sont cultivés dans le monde et Monsanto est un poids lourd du secteur. En 2006, la filiale commercialisait dix-neuf variétés d’organismes génétiquement modifiés dont neuf sortes de maïs. Une raison suffisante pour que l’entreprise réplique rapidement via son directeur technique en Espagne, Jaime Costa. Dans un courriel diffusé par la rédaction de Bastamag.net, il renvoie au site londonien Science Media Centre, financé à 70 % par des firmes telles que Bayer ou Novartis, où huit scientifiques critiquent les recherches du professeur Séralini. Parmi eux, Tom Sander, directeur du département des sciences nutritionnelles au King’s College de Londres selon lequel la race de rat choisie par les chercheurs français, le « Sprague Dawley », est sujette aux tumeurs. Une critique reprise par l’ancien toxicologue à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et spécialiste des OGM, Gérard Pascal, qui considère que l’étude ne prend pas suffisamment en compte les paramètres environnementaux. Interviewé pour LeMonde.fr, il dénonce « une opération de promotion pour le livre de Séralini sorti en même temps », mais reconnaît que « l’ampleur des travaux du professeur Séralini est sans précédent ».
Car les études sur les impacts sanitaires des OGM sont en réalité trop peu nombreuses pour établir un verdict tranché. L’expérimentation française a le mérite de relancer un débat trop vite enterré. Et même si les fonds à débloquer peuvent paraître considérables – le Criigen a réuni 3,2 millions d’euros pour mener ses études sur 200 rats –, ils sont plus que nécessaires afin de combler le manque de données sur les conséquences des organismes génétiquement modifiés. Les entreprises de l’agroalimentaire n’ont pas attendu que soit sonnée l’alerte pour participer à cet effort : le fondateur du groupe Auchan, Gérard Mulliez a octroyé les premiers financements avant d’être suivi par Carrefour. Un signal positif de la part de ces industriels qui ne peut qu’inciter à suivre la tendance …
Ecrit par Anna Demontis
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