Aller directement au contenu

EGAlim 2 : Les raisons de la colère

Si le 24 juin dernier, les députés ont adopté en séance publique la proposition de loi (PPL), dite EGAlim 2, visant à protéger la rémunération des agriculteurs, elle concernera aussi les étiquettes des produits alimentaires. Si pour la majorité présidentielle, il s’agit d’un pas en avant, les associations de consommateurs évoquent quant à elles l’inverse avec une mesure dans …

EGAlim 2 : Les raisons de la colère

Si le 24 juin dernier, les députés ont adopté en séance publique la proposition de loi (PPL), dite EGAlim 2, visant à protéger la rémunération des agriculteurs, elle concernera aussi les étiquettes des produits alimentaires. Si pour la majorité présidentielle, il s’agit d’un pas en avant, les associations de consommateurs évoquent quant à elles l’inverse avec une mesure dans le texte qui affaiblirait la traçabilité des produits.

«C’est un retour en arrière, qui entérine l’opacité sur l’origine des produits transformés, pointe Olivier Andrault, chargé de mission alimentation à l’UFC-Que choisir, dans le journal La Croix, «Il est quasi-impossible de démontrer le lien entre les caractéristiques d’un produit et son origine». Sur Europe 1, ce dernier s’est dit scandalisé par cette proposition de loi, « puisqu’elle va complètement à rebours des demandes des consommateurs », estime-t-il. « Après les multiples scandales alimentaires, les consommateurs veulent une transparence totale sur les recettes de l’industrie, et notamment sur l’origine de leurs ingrédients, tout simplement pour des raisons d’hygiène et de traçabilité ». Et de conclure : « Plus généralement, on voit maintenant que les consommateurs sont également soucieux de participer à l’économie locale ».

La proposition de loi, déposée par le député Grégory Besson-Moreau, et visant à protéger la rémunération des agriculteurs, a pour objet de renforcer certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGAlim).

Trois ans après l’adoption de la loi, Gregory Besson-Moreau, rapporteur, a reconnu devant la commission des Affaires économiques que «nous faisons face à trop de contournements de la loi EGAlim » et qu’il y a « une contradiction entre le caractère stratégique de l’agriculture française et le peu de considération qui est porté aux agriculteurs ». Il a insisté sur le fait que la proposition de loi a pour vocation « à la renforcer afin que s’organise un système où la valeur doit revenir, pour une juste part, à celles et ceux qui produisent, commercialisent et distribuent ».

Elle s’inscrit dans la continuité de travaux de l’Assemblée nationale dont notamment ceux de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec fournisseur, dont le rapport a été adopté à l’unanimité le 25 septembre 2018, ainsi que des travaux de la mission d’information sur le suivi des recommandations de la commission d’enquête qui a remis son rapport le 24 mars 2021.

«La juste rémunération des agriculteurs est l’enjeu le plus important de l’agriculture. Elle sous-tend toutes les questions agricoles : souveraineté alimentaire, renouvellement des générations, transition vers des modèles plus vertueux » a souligné le rapporteur devant les députés de la commission, en mettant en avant la nécessité de donner des perspectives aux jeunes agriculteurs et les possibilités de financer la transition du modèle agricole et la montée en gamme.

Producteurs agricoles

Dans son article 1er, la proposition de loi vise à généraliser les contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles, le minimum étant fixé à trois ans. Ce « changement de paradigme », selon les termes du rapporteur, doit inverser la tendance prévalant actuellement afin de donner plus de visibilité aux producteurs agricoles et créer de la confiance entre ces derniers et les premiers transformateurs. Lorsque le contrat conclu est à prix fixe, le document doit prévoir une formule de révision automatique des prix appuyée sur les catégories d’indicateurs rendus obligatoire par la loi EGAlim.

En commission, les députés ont renforcé l’obligation de faire apparaître clairement la pondération des indicateurs de référence ayant permis de calculer le prix dans les clauses qui précisent les modalités de détermination du prix. Ils ont, par ailleurs, interdit les clauses prévoyant la modification du prix en fonction de l’environnement concurrentiel.

Fournisseurs, distributeurs

L’article 2 s’attache aux relations entre fournisseurs et distributeurs. Il crée l’obligation d’indiquer, dans les conditions générales de vente de produit alimentaire, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des matières premières agricoles et les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du tarif proposé. Ces éléments seront dorénavant exclus de la négociation commerciale entre le fournisseur de produit alimentaire et son acheteur. Les contrats entre fournisseurs et distributeurs devront prévoir une clause de révision automatique du prix en cas de variation du coût des matières premières.

Les députés ont renforcé, en commission l’obligation de transparence, en introduisant des sanctions administratives en cas de manquement sanctionné par une amende administrative. En outre, afin de rééquilibrer les relations commerciales, ils ont plus strictement encadré les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs qui devront s’achever au plus tard le 1er mars, contre le 31 mars actuellement, et ont renforcé l’obligation du distributeur de motiver par écrit le refus des conditions générales de vente du fournisseur.

En commission, les députés ont également créé, dans un nouvel article, une expérimentation pour cinq ans de l’affichage à destination du consommateur de l’impact des prix des produits agricoles et alimentaires sur la rémunération des producteurs.

Médiateur

L’article 3 prévoit le renforcement des pouvoirs du médiateur créé par EGAlim. Le texte crée un comité de règlement des différends qui délibèrera publiquement et pouvant prendre des astreintes et des mesures conservatoires.

Etiquetage

L’article 4, traitant de l’étiquetage, permet d’assurer compatibilité entre droit français et européen en précisant que l’obligation d’indication du pays d’origine pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer est limité aux produits pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine. En commission, les députés ont élargi la notion de propriété aux dimensions de sécurité sanitaire et de traçabilité et ont étendu l’obligation aux ingrédients primaires des produits alimentaires constitués de plusieurs ingrédients.

Opérations promotionnelles

L’article 5 prévoit que toutes les opérations promotionnelles visant à écouler une surproduction de produits alimentaires (opération de dégagement) sera soumise à autorisation de l’autorité administrative, après avis de l’interprofession concernée.

Les députés ont par ailleurs imposé aux « dark kitchen », qui sont des établissements de restauration sans salle de consommation sur place et proposant seulement des repas à emporter ou à livrer, devront clairement faire apparaître l’origine des viandes proposées.

Ania, Coopération agricole, FEEF et Ilec

Si l’ANIA, La Coopération Agricole, la FEEF et l’Ilec partagent l’objectif porté par la proposition de loi du député Grégory Besson-Moreau visant à retrouver l’esprit initial des EGA de création et de répartition de valeur ; les quatre organisations s’inquiètent des effets négatifs de certaines mesures sur le maillon industriel, indispensable à la pérennité de la chaîne alimentaire française. 

Selon les quatre organisations, «En dépit des États Généraux de l’Alimentation et de la loi EGAlim, le bilan des négociations commerciales des trois dernières années ne conduit qu’à un seul constat : déflation et achat au prix le plus bas restent les maîtres mots pour les distributeurs. Dès lors, dans ce contexte de guerre des prix et de compression continue des marges des entreprises alimentaires, comment espérer construire la souveraineté alimentaire française, faire ruisseler de la valeur vers l’amont agricole, ou encore favoriser les investissements pour répondre à la demande des marchés et tendre vers une alimentation plus saine et plus durable ?». 

L’ANIA, La Coopération Agricole, la FEEF et l’Ilec se disent ainsi inquiètes des conséquences de certaines de mesures envisagées pour y parvenir. Selon elles, sanctuariser les seules matières premières agricoles sans sanctuariser les coûts de transformation ne produira qu’un seul effet : l’affaiblissement du maillon industriel dans les négociations commerciales avec les distributeurs. 

«Si l’on souhaite réellement mettre un terme à la spirale déflationniste entraînée par la LME et rémunérer les agriculteurs au juste prix, une seule solution : poursuivre la réflexion entamée par le Gouvernement pour travailler à changer de paradigme et aller plus loin dans la protection du tarif des fournisseurs. Seul le renforcement du tarif fournisseur pourra permettre une création de valeur et une juste répartition de celle-ci au sein de la filière alimentaire». 

La FEEF s’inquiète pour les PME agroalimentaires françaises

De son côté la FEEF(Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France) a annoncé que les PME agroalimentaires françaises étaient très inquiètes de ne pas avoir été entendues et craignaient pour la pérennité de l’activité et des emplois de leurs entreprises ancrées dans les territoires. «Si les mesures adoptées pour mieux rémunérer les agriculteurs sont nécessaires, il n’y a eu aucune prise en compte des spécificités des fabricants PME qui représentent 98% des entreprises agroalimentaires et qui privilégient l’approvisionnement local et les circuits courts » explique la FEEF qui estime que «De la même manière, l’Appel des PME en faveur d’un Prix rémunérateur pour Tous n’a pas été suivi d’effet, malgré l’appui de plusieurs députés sur ce point. Or, rendre aux transformateurs PME la maîtrise de leur tarif afin qu’ils soient en capacité de répercuter les coûts agricoles et les coûts de transformation à la grande distribution est indispensable pour inverser le mécanisme de formation des prix en partant de l’amont et réussir EGAlim». 

Selon la FEEF, il ne pourra y avoir de revalorisation des revenus des agriculteurs sans le respect du tarif des industriels PME qui sont les premiers transformateurs de la matière première agricole d’origine française. Par ailleurs, souligne la FEEF, «au-delà du nécessaire rééquilibre des relations commerciales entre fournisseur et distributeur, des mesures visent clairement à évincer les produits PME des rayons de la grande distribution. Sans conteste, cela se fera au bénéfice des marques multinationales aux dépens des PME et, donc, au détriment de la souveraineté alimentaire française et de la demande des consommateurs en faveur du local». «N’est-ce pas paradoxal à l’heure où l’on met tout en œuvre pour favoriser l’industrialisation de la France et notre indépendance économique ? » s’interroge Dominique Amirault, Président de la FEEF. 

Les prochains débats parlementaires, au Sénat et en commission mixte paritaire, seront décisifs

ParLa rédaction
Dossiers Thématiques
Dossiers d’Analyse
En vidéo
Send this to a friend