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Protéines : quels potentiels sur le marché des substituts de viande ?

Pois, luzernes, soja et autres protéines végétales, viande in vitro ou encore insectes... les produits de substitution à la viande sont nombreux. Et ce marché devrait se développer dans les années à venir.

Protéines : quels potentiels sur le marché des substituts de viande ?
Plus d’un Français sur deux serait prêt à acheter des produits comme la viande, le fromage ou la charcuterie, préparés avec des protéines végétales.

D’ici quelques décennies, le marché de la viande, voire la définition même de la viande, pourrait évoluer du tout au tout. « Dans cinquante ans, nous échapperons à l’absurdité d’élever un poulet entier afin de manger le pectoral ou l’aile, en cultivant ces pièces séparément dans un milieu approprié », écrivait déjà Winston Churchill au début des années 1930. Aujourd’hui, cette affirmation semble on ne peut plus réaliste. L’an passé, l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas, a présenté le premier steak de viande artificielle, fabriqué exclusivement en laboratoire, à partir de cellules souches. Le résultat de cette prouesse scientifique peut-il cependant remplacer les steaks de bœuf, ailes de poulet et autres filets mignons dans les rayons des supermarchés ?


Comment obtenir de la viande in vitro ? par universcience

Viande in vitro : pas commercialisable avant 10 ans au moins

Loin s’en faut. Car si la production de viande in vitro émet vingt fois moins de gaz à effet de serre que celle de la viande de bœuf -douze fois moins que le porc et huit fois moins que la volaille)-, répondant ainsi aux critiques des écologistes, les barrières à la commercialisation de cet aliment du futur sont encore nombreuses.

Au premier rang de ces obstacles, se pose la question de l’acceptabilité de l’aliment. Les consommateurs sont-ils prêts à acheter un produit non-naturel, conçu à partir de cellules souches ? Par ailleurs, les scientifiques arriveront-ils à mettre un point un steak assez ressemblant à la viande traditionnelle, en termes d’aspect, de texture et de goût ? La dernière des entraves à la commercialisation de la viande in vitro, et non des moindres, est son coût de production : 250 000 euros pour le premier burger artificiel. L’utilisation d’enceintes stériles, d’incubateurs ou encore de bioréacteurs fait en effet gonfler considérablement le prix. Selon les estimations des scientifiques, ce processus de production ne pourra pas être industrialisé avant une dizaine d’années au moins dans l’optique d’obtenir un produit ressemblant en termes gustatifs et abordable en termes de prix.  

Le marché des substituts de viande : un potentiel croissant

Pourtant, le potentiel du marché des substituts de viande est indéniable. D’une part car l’élevage, l’abatage et la production de viande cristallisent de plus en plus tensions et critiques. D’autre part, il semble aujourd’hui difficile d’évaluer dans quelle mesure l’offre en viande pourra répondre à la demande mondiale d’ici 35 ans. Sa production a en effet augmenté de 2,3 % par an au cours de la dernière décennie et devrait pratiquement doubler entre 2010 et 2050 pour répondre à la hausse de la demande, selon les estimations de la FAO.

De plus, selon une étude de RTS Resource, le marché des substituts de viande devrait croître de 4,4% entre 2012 et 2016, et passer de 2,85 à 3,54 milliards d’euros. En Europe occidentale, les principales opportunités de développement se trouvent sur le segment des plats cuisinés. Ce dernier devrait croître de 3,5 % entre 2012 et 2016, de 1,48 à 1,76 milliards d’euros. Le segment des saucisses et des burgers pourrait également progresser de 3,9 % sur cette période pour peser 854 millions à l’horizon 2016. Mais ce sont les ventes des snacks et des accompagnements sans protéines animales qui devraient le plus augmenter, de 9,7 % en cinq ans environ. Le marché pourrait ainsi peser 486 millions. Et cette croissance devrait encore s’accélérer dans les décennies à venir.  

Protéines végétales : un investissement d’avenir pour la France

Par ailleurs, selon une étude de 2013, 72 % des consommateurs souhaitent réduire leur consommation de viande. Ce qui est possible sans faire une croix sur les protéines et sans viande artificielle. En consommant notamment plus de protéines végétales. D’après cette même étude, 45 % des consommateurs se disent prêts à manger des viandes hybrides -un mélange de protéines d’origine animale et végétale- et 35 % d’entre eux pourraient se tourner vers des produits exclusivement à base protéines végétales. Des résultats confirmés par une étude du Groupe d’étude et de promotion des protéines végétales, montrant que plus d’un Français sur deux achèterait des produits comme la viande, le fromage ou la charcuterie, préparés avec des protéines végétales.

Et la France n’est pas en reste en ce qui concerne ce tournant alimentaire. Les protéines végétales font en effet partie des sept « ambitions pour l’innovation » identifiées par Anne Lauvergeon dans son rapport rendu public en 2013. La commission Lauvergeon « souhaite que les industriels français se mobilisent pour développer de nouveaux produits alimentaires attractifs, à base de protéines végétales, à même de faire évoluer les comportements alimentaires et ainsi d’apporter une solution alimentaire humaine et animale pérenne, des emplois en France et une capacité d’exportation. Il est aussi possible d’envisager une nouvelle alimentation à destination de l’élevage. »  

Le soja : une alternative à la viande déjà bien développée

Le soja est actuellement la protéine de substitution la plus utilisée pour la production de « viande végétale » et autres produits de remplacement. Tofu, steaks et lait de soja sont déjà largement commercialisés. Et il est d’autant plus intéressant pour la France de s’orienter vers la fabrication de ce type de produits qu’un cadre favorable au retour de la culture de soja en France est en train de se dessiner, comme nous l’expliquions il y a peu sur agro-media.fr. Dans entreprises telles que Nutrition et Nature, Sojasun ou Sojami, ont pris les devants et se sont d’ores et déjà engouffrées dans cette brèche.

De plus, la qualité des produits de substitution s’est nettement améliorée. Jeroen Willemsen, cofondateur de l’entreprise néerlandaise Ojah, qui commercialise la marque de produit alternatifs Plenti, explique sur IEEE Spectrum qu’on peut distinguer trois générations de substituts de viande. La première est la « génération tofu », composée de produits n’ayant pas vraiment le goût de la viande mais permettant des apports en protéines relativement élevés. La deuxième génération comprend des produits des produits tels que les boulettes de viande, les saucisses ou les hamburgers végétariens. Ils sont fabriqués à base de protéines végétales texturées, grâce à la technique d’extrusion des protéines.  

Plenti et Beyond Meat : des analogues de plus en plus ressemblants

La troisième génération, comprend des produits tels que ceux de la marque Plenti ou de l’entreprise Beyond Meat, qui se rapprochent énormément de la viande traditionnelle en termes de goût et de texture, au point que la confusion est possible. Ces produits peuvent être utilisés dans des soupes, des sandwiches, des burritos ou toute autre recette, accompagnés de sauces pour renforcer l’illusion de la viande. Cette troisième génération occupe actuellement une part infime sur le marché des analogues de viande, mais elle devrait se développer fortement dans les années à venir.

Ces progrès ont été possibles grâce à la synergie de plusieurs facteurs. D’une part, les équipements techniques permettant l’extrusion se sont largement perfectionnés, permettant des mesures et un contrôle plus rigoureux lors des opérations de process. Ensuite, la précision en termes de température ou de pression nécessaires s’est accrue. Enfin, les ingrédients , et en particulier le soja, sont aujourd’hui de bien meilleure qualité qu’ils ne l’étaient voilà deux décennies, notamment grâce à l’action de grands groupes tels que Cargill, Archer Daniels Midland ou CHS.  

Pois, luzerne, céréales… des multiples sources de protéines à explorer

Mais le soja n’est pas la seule alternative aux protéines animales. Le groupe Roquette a par exemple travaillé à la mise au point d’ingrédients à base de protéines de pois. Et selon Mintel Data, le nombre de produits utilisant la protéine de pois comme ingrédient a augmenté de 234 % entre 2010 et 2013.  

Les céréales peuvent également constituer des sources en protéine si elles sont préalablement purifiées. Le projet Improve, auquel participe Tereos, Sofiprotéol ou encore Siclaé depuis 2012 vise justement à valoriser davantage les protéines issues des céréales de sorte qu’elles soient également plus facilement assimilables. La luzerne, une plante très riche en protéines, est également une des pistes à explorer en tant qu’alternative aux protéines animales. Elle est actuellement largement utilisée pour l’alimentation animale mais très peu pour l’alimentation humaine.

Des insectes pour remplacer la viande ?

Les protéines fongiques constituent également un potentiel succédané. Au Royaume-Uni, la marque Quorn l’exploite d’ailleurs depuis des années. Et les ventes de Quorn ont bondi de 20 % ces deux dernières années.

Enfin, une toute autre piste pourrait être exploré pour remplacer partiellement la viande. Les insectes, largement consommé dans les pays asiatiques provoquent encore le dégoût dans les pays occidentaux. Pourtant, ils sont riches en vitamines et ont un impact négligeable sur l’environnement comparé à la production de viande de bœuf ou de porc. De plus, leur grande diversité -quelque 1 900 espèces sont consommables- devrait permettre de contenter tous les palais.

La dernière solution serait encore que de réduire la consommation de produits riches en protéines puisque la consommation moyenne de protéines par adulte en France est une fois et demi plus élevée que les recommandations pour une alimentation saine et optimale.

 

ParLa rédaction
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